vendredi 21 février 2014

Pornstar - Anthony Sitruk

Pornstar, de Anthony Sitruk

128 pages
Editions de La Musardine
Parution : septembre 2013

4ème de couverture :
Ex-gloire de l’Âge d’or du cinéma porno français, Alan ne survit plus que de petits boulots : tournages à la chaîne pour un producteur véreux, « boute-en-train » dans un club libertin ou encore animateur dans un sex-shop… Parfois, il sort de son relatif anonymat pour signer quelques autographes, accorder des interviews à des journalistes ou « baiser » de jeunes débutantes qui voient encore en lui un dinosaure prestigieux. Disloqué entre son sexe envisagé comme un outil de travail et des émois naissants pour une jeune starlette du X abîmée trop tôt, l’odyssée d’Alan révèle un panorama très documenté de l’histoire du X en France et s’affirme comme un so long terriblement touchant d’une époque désormais révolue… Mais au-delà de l’émotion, Pornstar est un roman qui régalera les amateurs de la mécanique des corps et des fluides, car du sexe, oui, il y en a…  

      J'ai reçu ce livre en partenariat avec les éditions de la Musardine et le forum Have a Break, Have a book, et je les en remercie.  
 
     Pornstar … une lecture étonnante et déroutante.

     La littérature érotique n’est pas vraiment un genre que j’apprécie. N’y voyez pas de fausse pudeur. C’est un style à la mode, mais c’est un phénomène qui me dépasse un petit peu.

      Alors pourquoi ai-je accepté ce partenariat avec la Musardine ? Tout simplement parce que ce livre me promettait autre chose que juste me titiller les sens.
      La quatrième de couverture nous annonce tout de suite la couleur : nous allons rencontrer Alain, une ex-star du porno, qui vivote tant bien que mal de petits scènes en petits boulots, bouclant avec peine ses fins de mois.
      Alain est devenu une machine du sexe, contrôlant à la minute son éjaculation et se surprenant lui-même à penser à autre chose pendant les scènes qu’il tourne. Il faut dire que ce que lui propose ce producteur qui vend des scènes sur internet n’est pas glorieux : plus c’est crade plus ce dernier aime. Cela dérange Alan mais il ne peut s’accorder le luxe de faire le difficile, car après toutes ces années à tourner, il se rend compte qu’il ne sait pas faire autre chose. Il vit et évolue dans ce tout petit milieu du X, est reconnu partout dans la rue, il se retrouve presque emprisonné dans sa propre vie.
      Il ne s’était pas destiné au X, il y a un jour été propulsé par la force des choses, et de film en film, il est resté dans le milieu, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il est trop tard pour en sortir.
      Il n’a que pour amis Nicole et Pierre, tout deux issus du milieu, n’a pas de relation amoureuse. D’ailleurs sait-il seulement ce que c’est que d’aimer ?
      Et puis il y a cette fille, qu’il croise, puis recroise. Elle reste dans un coin de sa tête, jusqu’à ce qu’il la retrouve et que leurs réalités s’entrechoquent. Elle, elle a su faire demi-tour au bon moment, même si elle a peur que son petit écart puisse un jour anéantir sa vie grâce à la « magie » d’internet.
      Ces deux êtres blessés et meurtris ont-ils quelque chose à s’apporter l’un à l’autre ?
      Alan arrivera-t-il à reconstruire sa vie ? Ou du moins à lui donner une autre direction ?

      Ce que j’ai beaucoup apprécié c’est que le livre est simple et vrai, car écrit d’après le témoignage d’un acteur. Il fait voir la face sombre de ce qu’est devenu le porno d’aujourd’hui, un porno cru, hard et violent, qui n’a plus rien à voir avec ce qu’ils appellent tous « l’âge d’or » du porno, où les films étaient tournés avec sérieux et non à la sauvette dans une chambre d’hôtel miteuse avec une actrice naïve, ramassée on-ne-sait-où et payée au lance-pierre. Avant il y avait une vraie éthique, un vrai statut d’acteur ou d’actrice, et jamais l’un d’entre eux n’aurait accepté de se faire marcher sur les pieds. Aujourd’hui tout est différent, et ce monde glisse vers le malsain, où plus rien n’est respecté. D’ailleurs on ne tourne plus des films mais des scènes, plus de scénario, plus de mise en scène, juste du cul.


      Et l’érotisme dans tout ça ? Personnellement je n’en trouve pas vraiment à ce texte, la seule scène érotique pourrait être celle de la toute fin, mais elle est si rapidement décrite que même un Harlequin serait plus excitant. Les autres scènes de sexe rapportées sont des scènes de cul, presque du sport ou de l’entretien, ni sentiments ni émotions ne les traversent, le protagoniste n’est pas émoustillé psychologiquement, c’est seulement son corps qui réagit, les mots utilisés sont donc en conséquence et les descriptions sommaires, souvent interrompues par les divagations d’esprit d’Alan. L’auteur n’a pas cherché à donner de dimension excitante à son texte.


       Anthony Sitruk ne mâche pas ses mots . Notre protagoniste s’exprime de façon crue, simple donc l’auteur a écrit son texte en écrit-parlé et c’est judicieux. Il a su à travers ses mots exprimer toute la lassitude de cet homme, son absence de rêve, sa désillusion totale vis-à-vis du monde. Et à travers son livre il dénonce les choses telles qu’elles sont, il met en lumière les ravages que ce « boulot » a fait sur ces hommes et ces femmes.

      Je regrette juste son titre, car il peut induire en erreur et être un frein à la lecture de ce livre qui n’est pas un simple texte érotique, mais bien un roman contemporain et documentaire.

      C’est un texte très intéressant à lire pour son côté documentaire et pour son côté humain. Après l’avoir lu, vous ne porterez plus jamais le même regard sur les gens du milieu du X.


     "- Un mec, c'est un mec et une nana, c'est une nana. Ca sert à rien d'autre.
- Jusque-là je suis d'accord, sauf que les mecs, c'est les autres"

      "- Mais vous foutez quoi ensemble alors ?
Autour de moi, ils ont tous de bonnes questions à poser, auxquelles je n'ai pas de réponse satisfaisante. Je fais quoi avec elle ? Rien, je la regarde, je lui raconte des choses, comment c'était avant, quand les tubes n'existaient que dans les rêves les plus fous d'internautes sans scrupules, le Sida dans les cauchemars les plus glauques d'actrices frivoles, et la loi X dans les fantasmes humides de politiciens mal baisés. Je lui raconte comment c'est devenu cette merde et ces scènes téléchargeables pour 1,50€. Et elle écoute, elle retrouve le sourire parfois."

     "J'ai encore du mal à piger qui est cette fille, et j'avance doucement dans mon exploration. Je ne sais pas ce que qu'elle cherche, ni si passer son temps avec moi équivaut plus ou moins à chercher de la lumière en plein brouillard."


 

2 commentaires:

  1. Justement, j'ai trouvé que ce livre ne trompait guère son monde, ne serait-ce que par sa couverture, qu'il faut quand même assumer si l'on lit hors de chez soi... Pas une lecture qui émoustille, en effet, mais un regard sur les coulisses d'un certain univers - rien que pour cela, ce roman quand même assez cru, écrit "cash", vaut la peine d'être lu.

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  2. C'est vrai qu'il faut un certain culot pour lire ce livre en public sans masquer la couverture... Perso je n'oserai pas, il a d'ailleurs fini dans un coin discret de ma bibliothèque. Mais c'est en effet un livre intéressant à lire, parce qu'il révèle l'envers du décor que beaucoup ignore.

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