dimanche 6 juillet 2014

Mal dans la peau - Ghislaine Bizot

Mal dans la peau, de Ghislaine Bizot

210 pages
Editions Calepin
Parution : 29 mai 2013

Présentation de l'éditeur :
Marie et Carole, deux amies d'enfance originaires de Lille, se trouvent séparées quand Carole part vivre avec son mari Fabrice dans un petit village retiré de l'arrière-pays niçois.

Elles décident alors de s'écrire, mais au cours de ces échanges, la Carole que Marie connaissait si bien semble peu à peu s'effacer...

Que lui arrive-t-il et quel secret cherche-t-elle à cacher derrière ces mots si minutieusement pesés ?



    Je dois avouer qu'il est très dur pour moi de parler de ce livre, peut-être parce que je me suis un peu reconnue dans le début ?

     Mal dans la peau est un roman épistolaire, Carole échange en premier lieu avec sa meilleure amie, mais également un peu avec ses parents. Pour donner un peu plus de relief et de réalisme à son texte, Ghislaine Bizot a également choisi d'insérer quelques sms.
      Aux lettres s'ajoutent des "notes" en italiques, courtes au début, plus longues par la suite, qui traduisent les pensées de Carole, et éclairent le lecteur de ses pensées intimes qui ne peuvent franchir ses lèvres et que peut-être, elle ne s'autorise même pas à penser.

     Mal dans la peau, raconte l'histoire d'une femme, Carole, qui quitte tout pour suivre son mari. Le mariage s'est fait très vite, quelques mois à peine après leur rencontre. Elle, si citadine, qui aimait sa région, accepte de déménager dans le sud, à près d'un millier de kilomètres de chez elle, et de vivre à la campagne. Coupée de la civilisation et de l'effervescence culturelle de la ville, elle se retrouve également coupée des réseaux de communication : pas d'internet, pas de ligne de téléphone fixe et un réseau mobile très faible.
     Heureusement Carole a Marie, son amie de toujours, presque sa soeur, qui décide de ne pas se laisser démonter pour si peu : si les technologies nouvelles ne sont pas disponibles, elles en reviendront aux anciennes méthodes, à savoir le papier et le crayon.
     Carole se fait distante dans ces lettres, mais Marie ne lâche rien. A-t-elle senti qu'il se passe quelque chose d'anormal ?
     Elle ne laissera pas Carole sombrer dans le silence qu'elle semble désirer, mais pourquoi ?
Pourquoi son amie ne lui dit pas la vérité ? Pourquoi ces lettres sonnent creux ? comme des coquilles vides ?
     Cent fois Marie aurait pu baisser les bras, mais elle ne l'a pas fait et c'est grâce à ce soutien sans failles que Carole pourra sortir du tunnel dans lequel elle se terre faute de savoir comment affronter la vie.

     Difficile de parler de ce livre sans le spoiler...

      Ce livre est un vaste champ de bataille où les deux amies s'affrontent : l'une parce qu'elle ne peut pas baisser les bras et veut comprendre , l'autre parce qu'elle ne peut pas révéler son secret.
     Mais ce sont aussi des combats contre soi-même. Pour Carole, il lui faut apprendre à regarder la vérité en face, avec sa raison et non avec son coeur, accepter l'échec, apprendre à se préserver, se boucher les oreilles à la culpabilité. Pour Marie se pose la question des limites de l'amitié : comment aider une amie à distance, quand celle-ci ne raconte pas tout ? comment rester patiente en attendant la confidence alors que l'on brule d'exploser ? que peut-on dire ? Il faut peser chaque mot, chaque suggestion, car un rien pourrait faire couper court à cette correspondance si fragile et pourtant essentielle.

     Psychologiquement, j'ai trouvé la lecture de ce livre très difficile, mais paradoxalement je n'ai pas pu le lâcher avant la fin, et ce malgré la fatigue qui me gagnait. Et j'ai bien fait de ne pas stopper ma lecture en cours de route, parce que c'est typiquement le genre de livre qui me travaille beaucoup.
    
     C'est un sujet très délicat et dur qui est abordé ici, mais Ghislaine Bizot le fait avec une grande maîtrise et beaucoup de tact. Les non-dits sont plus forts et violents que les mots, et cela équilibre bien le texte. Dans ce genre de situation, le silence prend beaucoup de place, et l'auteure a bien su ici lui laisser tout l'espace nécessaire et je pense que c'est pour ça qu'il est dur.

      Les poètes de tous temps l'ont compris, la poésie est l'alliée de la mélancolie et de la douleur, son rythme et sa mélodie languissante s'y prêtent bien. Ghislaine Bizot l'a compris elle aussi, et en parsème ses petites notes en cours de texte, rendant plus douces les pensées de Carole, les atténuant pour le lecteur comme Carole se les atténue à elle-même.

      C'est pourtant un livre qui nous entraine, car même si nous avons été ou serons peut-être des Carole, en tant que lecteur nous devenons Marie, on s'identifie à elle et avec elle on veut savoir et tendre la main à Carole. Nous découvrons avec Marie une vérité que nous n'avions qu'entrevue, sans vouloir y croire et comme elle, nous devons encaisser le choc. Pas facile.

     Pourtant je pense que c'est un livre que nous devrions mettre dans les mains de toutes les adolescentes pour qu'elles prennent conscience du mécanisme et qu'elles puissent un jour s'en préserver ; ou au contraire pour qu'elles puissent diagnostiquer une telle situation et comprendre qu'elles ne doivent que tendre la main, la tendre encore et toujours, même si celle-ci est repoussée.

     Ce livre est une belle découverte dans le sens où il est très fort et bien écrit, et restera une lecture très marquante pour cette année 2014.

     Je me rends compte que j'ai surligné énormément de passages dans ce texte, et qu'à la relecture, ils sont toujours aussi douloureux pour moi, difficile de choisir ceux à partager sans être trop personnelle.

     "Les choses existent parce que nous les rendons vraies. Elle en est persuadée. Elle s'appliquera à façonner son bonheur. Fabrice aime Carole. Carole aime Fabrice."

     "L'automne est vraiment une saison que j'adore, j'ai du mal à l'exprimer d'ailleurs car c'est une saison où tout meurt ou s'endort peu à peu. Mais c'est tellement beau !"

     "Dissimuler. Cacher. Ne rien laisser transparaître des difficultés. Donner à la réalité les couleurs souhaitées, comme un peintre sur sa toile. Ajouter ça et là de petites touches qui adoucissent la noirceur, qui attirent le regard. S'accrocher à des traits de lumière. Et souffrir en silence. Dissimuler, certains appellent cela mentir."

     "Accepter. Sans réfléchir, sans se poser de questions. Laisser les choses exister simplement. Laisser les autres décider. Ne pas discuter pour atteindre quelque chose qui ressemble à la paix, à l'ombre du bonheur. Et espérer un jour meilleur, un jour où la lumière reviendra accompagnée de l'insouciance. Elle espère, elle ne peut faire que ça."

     Je remercie les Editions Calepins et le forum Have a break, Have a book, pour la découverte de ce roman.

3 commentaires:

  1. Magnifique chronique. tu as bien retranscrit l'essence de ce livre..

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  2. Quelle belle critique qui rend hommage à ce livre. J'ai eu la chance de rencontrér l'auteur par l'intermédiaire de ma médiathèque. et de découvrir ce livre!!!!!j'ai adoré, et l'auteur est vraiment une femme gentille!

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