vendredi 28 novembre 2014

STYx - Jean-Michel Calvez

STYx, de Jean-Michel Calvez

339pages
Editions Atria, Collection Les Mondes d'Atria
Parution : Août 2014

4ème de couverture :
   

 Cette planète aurait pu être un paradis, mais l'homme a tout gâché. Ses habitants, les Lutins, se vengent à leur façon, car STYx, le mystérieux virus chronique qui les frappe, est aussi transmissible à l'homme. Orfeu est l'un des rares à être conscient de ce désastre mais il a tout perdu, et avant tout Silvo, un ami cher disparu par sa faute. Alors Orfeu va venger sa mémoire... Pour cela, il faudra que sa vengeance frappe plus fort encore que STYx, même s'il ne parvient qu'à effleurer la vérité de ce monde.
    Un autre que lui prendra la relève et lèvera le secret de la planète et de son virus mortel. Mais est-ce le seul danger ? Et ce virus endémique a-t-il vraiment un antidote digne de ce nom ?
    Entre thriller scientifique et leçon de tolérance envers « l'autre », STYx, plus qu'un roman, est cette croix que l'on doit porter chaque fois que l'on rejette son prochain, simplement parce qu'on le juge trop « différent » de soi. Ainsi, cette allégorie à l'échelle d'une planète ne peut laisser indifférent...


    Pas facile de parler de ce livre car c'est un "gros morceau". L'écriture y est dense, les idées très (trop ?) nombreuses, avec beaucoup de précisions sur la planète Tycho IV, mais aussi beaucoup de détails sur les pensées des protagonistes ce qui parfois brouillent un peu la lecture.

    Jean-Michel Calvez nous emmène sur une planète située à une galaxie et demi de la Terre : Tycho IV. Sur ce monde vivent des Lutins. Pas des lutins de contes de fées, non, des humanoïdes qui semblent beaucoup nous ressembler, mais pas tant que ça pour qui se donnent la peine de les connaître. C'est là que le bas blesse : les colons sont arrivés il y a 12 ans sur cette planète pour en faire une colonie minière, mais ils ignorent tout de ses habitants avec lesquels ils cohabitent en apparence.
    Pour les humains, les Lutins représentent une menace, car ils portent en eux ce que les humains nomment STYx, qui affectent l'homme et l'entraine vers la déchéance physique et la mort, mais ne semble pas atteindre les lutins, qui seraient tous porteurs sains, du moins d'après quelques conclusions hâtives de "spécialistes".
    Plutôt que de comprendre leurs hôtes, les colons humains, érigent des murailles psychiques envers les lutins, et se tiennent à distance d'eux.
    Orfeu s'étonnera de cette distance, et la perte de son ami, le poussera à mener l'enquête et à essayer de comprendre ce qu'est ce mystérieux STYx et à mieux connaître les Lutins.
    Plus tard, ses investigations aideront son frère Lucio envoyé par la Terre pour régler les conflits colons/lutins, à comprendre ce qui ne tourne pas rond sur cette planète, ce qu'est réellement STYx : virus ? malédiction ? ou autre chose ?

    Dans ce roman, Jean-Michel Calvez soulève les éternelles questions de la colonisation : les motifs, les faux-semblants, la cohabitation apparente et la réalité sur le terrain. Ici c'est accentué par le fait qu'il s'agisse de deux peuples de planètes différentes, avec donc des biologies différentes, mais il n'en reste pas moins que les colons n'ont à aucun moment chercher à comprendre leurs hôtes. Il n'existe pas de dictionnaire Lutin/Langage Humain, ils ne se sont pas intéressés à leurs moeurs, leurs rites, leurs religions. Sous couvert du savoir, ils ont imposés de la technologie à un peuple primaire sans chercher plus loin que leurs propres intérêts.
    L'histoire de l'humanité est emplie de phase de colonisation des territoires, et elle le sera encore, peut-être même à l'échelle universelle un jour. Il serait grand temps de se pencher sur les erreurs du passé et d'en tirer des leçons. Sous des traits accentués, voir caricaturaux ou poussé à l'extrème, l'auteur nous amène ici à la réflexion de l'acceptation et la compréhension de l'autre, même si parfois son mode de vie (ou sa biologie) nous dépasse complètement. Il ne faut pas oublié que nous voyons ce qui nous entoure avec notre culture et l'éducation que l'on a reçu, et que tout cela reste subjectif.

    Mais c'est aussi une métaphore de notre monde à nous. Sur Tycho IV il faut se replier sur soi, être fort, ne pas flancher, ériger une carapace et être impitoyable envers les autres pour survivre. Ce qui fait que chacun est seul, sauf dans l'intimité de son chez soi, mais là encore, mieux vaut ne pas baisser la garde, car la contagion et la traitrise peut être partout. Dans notre société également les gens sont seuls, et se protègent des autres. Certes il n'y a pas de STYx qui plane comme une ombre mortelle sur le monde, mais tout un tas d'autres raisons. Pour plus de sécurité on se retranche derrière un ordinateur et on laisse les belles choses de détruire faute de les admirer. En espérant toutefois que la destruction d'oeuvres d'art originales ne deviennent pas seule source d'inspiration créative dans notre monde...

    Jean-Michel Calvez malmène ses personnages, les faisant vivre dans un milieu dont ils n'ont pas les clefs de déchiffrage pour le comprendre. Ils se heurtent donc à leurs propres convictions, à leurs missions originelles mais aussi aux autres Lutins ou humains, et parfois dans le sang.
    Ce livre est dur à lire, car rempli d'horreur, de scène sanglante et horrible. J'avoue avoir passé très vite et j'espère les chasser très vite de mon esprit sensible. Ce n'est pas un livre plein de bons sentiments, c'est vraiment un livre dur aussi bien dans les faits que par son écriture qui nous donne une lecture laborieuse, un peu comme l'est la vie pour Orfeu ou Lucio dans ce monde. On souffre dans notre lecture, comme eux souffrent sur Tycho IV. Volonté de l'auteur ou simple hasard qui fait bien les choses ?

    STYx est vraiment un livre particulier, souvent plus philo que SF, qui ne se dévore pas en une fois. Au contraire il faut du temps pour le digérer. C'est un monde dont on a envie de fuir à tout moment, et dans lequel on n'a pas envie de se replonger rapidement. Il faut du temps pour tout assimiler et "accepter".
Je crois qu'il faut un certain courage pour lire ce livre, mais surtout pour le finir !

     "Avaient suivi quelques jours d'errances solitaires, d'interrogations sans fin, de doutes me concernant. Et j'avais fini par deviner que c'était STYx qui me l'avait emporté. Partir sans un mot, sans un message, avait été le choix de Silvo, le seul raisonnable : ne pas m'imposer la compassion, et la contagion avec, à la clé, la mort partagée. J'avais fini par admettre au fond de moi, par-delà la douleur et l'absence intolérable. Parce que STYx brisait tout. STYx brisait les amitiés, les amours, les couples, tel le nôtre qui avait failli naître. Cela se savait, cela arrivait tous les jours sur ce monde, à cause de STYx, la grande faux qui tranchait les liens entre les âmes, avant de faucher les corps."

    "Or je venais de comprendre, tellement en retard, qu'avant d'être une malédiction, pourrait être bien être un don des dieux, celui d'un Dieu de miséricorde lassé de n'être pas entendu, et qui tente peut-être de nous rappeler par la force que nous devons comprendre notre prochain, qu'il soit homme ou Lutin. Compatir : souffrir avec. Comment avions-nous pu l'oublier si vite ?"

      Je remercie le forum Livraddict et les Editions Atria pour la découverte de ce livre.
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Livre lu dans le cadre des challenges : (cliquez sur les images pour voir les challenges) 

http://www.lalecturienne.com/2014/10/challenge-couleurs-dautomne.html

http://www.lalecturienne.com/2014/01/challenge-des-100-lectures-2014.htmlhttp://www.lalecturienne.com/2014/08/challenge-1-mois-1-nouvelle-plume.html






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