jeudi 7 avril 2016

L'univers à peu près - Didier Tronchet

L'univers à peu près, Petit imprécis de culture approximative, de Didier Tronchet

136 pages
Editions Les Echappés
Parution : 3 mars 2016

4ème de couverture :
" De toutes choses, tentons d'avoir une connaissance "à peu près". Car c'est laisser à notre monde l'occasion de nous surprendre encore.
Il est urgent de former les générations futures à l'approximation. De vagues cours magistraux seront donnés par des professeurs traversés de doutes lumineux, merveilleusement hésitants. les étudiants auront tout le diplôme (à peu près), et la mention "connaissances approximatives" sera la plus recherchée.
Le XXème siècle a vu les effets du rationalisme poussé à l'extrême : taylorisme, économie libérale, rigueur financière.
Le XXIème siècle sera approximatif ou ne sera pas. En gros. "

Au fil des ces 100 chroniques sur des sujets aussi graves que les tongs, le pique-nique, les testicules, le gaz de chips ou les miroirs déformants, Didier Tronchet se plaît à déloger nos certitudes les plus endurcies et ne recule devant aucun raccourci saisissant pour redonner à l’Univers tout son sens : celui de l’humour. 

    Quand j'ai eu ce livre entre les mains, je n'ai d'abord pas trop su quoi en penser, à part "mais qu'est-ce que c'est que ce livre ?". La couverture est à mille lieues de ce que je lis d'habitude, elle me fait penser à un dessin de presse, de celle que je ne lis jamais, bon en fait je ne lis aucune presse, comme ça c'est dit. Mais le titre avait un petit quelque chose, tout de même. Alors je me suis empressée de jeter un oeil à la quatrième de couverture, histoire de savoir à quelle sauce j'allais être mangée. Ben ma foi, cela semblait prometteur, alors j'avoue ne pas avoir attendue pour l'ouvrir à la première page.

    Agréable surprise pour moi : ce ne sont que des courts textes à la façon de nouvelles ou de courtes réflexions. J'y ai retrouvé un je-ne-sais-quoi qui m'a rappelé Philippe Delerm à ses débuts, sans doute cette espèce de regard naïf, un poil enfantin posé sur le monde. Mais ce qui est encore plus plaisant, c'est que chaque texte déborde d'humour, parfois noir, parfois simplet, parfois tiré par les cheveux ... mais on ne s'ennuie jamais. 
    Didier Tronchet a du bien s'amuser en écrivant ces courts textes, qui semblent chacun surgi d'un seul coup d'un évènement de la vie quotidienne. Son inspiration il la trouve aussi bien face à un miroir, que devant un pot de sa glace préférée ou d'une balade au bord d'un étang. Mais il va aussi chercher des sujets beaucoup plus lourds comme la corrida, la seconde guerre mondiale, etc. Il les traite alors avec autant de légèreté que les autres sujets qui semblent anodins mais qui sont loin de l'être. A travers chaque objet/thème traité, il explore et analyse notre monde et notre société, il nous pousse à réfléchir à ce que nous sommes, ce que nous voulons être, ce que nous paraissons être et comment les autres nous perçoivent. Il nous remet à notre place si importante mais aussi si insignifiante d'être humain, un animal parmi les autres sur cette planète.
   Chaque sujet est traité indépendamment les uns des autres, parfois avec une logique évidente et parfois non ; mais il est évident que la succession des textes fait sens. J'ai beaucoup aimé cette idée que chaque texte parait annoncé une vérité claire et nette, une pensée pousser à son extrême qui ne semble plus pouvoir rencontrer d'opposition, comme s'il était vraiment allé au bout des choses ; et j'ai encore plus aimé que parfois il revienne sur une idée pour la corriger, l'approfondir ou la réctifier, nous signifiant par là que jamais rien n'est définitif et qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

   Ce qui est amusant, c'est aussi que ce sont des pensées que tout un chacun peut avoir ou a eu à un moment dans sa vie, mais qu'en général nous taisons. Pourquoi les taire ? Peut-être simplement parce que nous ne savons pas comment les raconter ? ni à qui les raconter ? Prendre un carnet et tout noter ne nous semble pas faire sens, ce sont pour nous des pensées fugitives perdues au milieu de tant d'autres qui nous apportent un instant le sourire. Cela fait alors du bien que quelqu'un prenne le temps de les noter pour nous, et les partage avec nous, nous rappelant ainsi les nôtres, nous incitant à leur prêter plus d'attentions et à ne pas en rougir.

   C'est un petit recueil de textes, que j'ai vraiment pris plaisir à lire et que je sais que je relirai avec plaisir. Un de ces petits livres que l'on a envie d'offrir, parce qu'il est simple et qu'il a de quoi plaire à tout le monde, que l'on soit un grand lecteur ou non. C'est aussi un support amusant de réflexions, qui peut permettre à chacun de voir le monde plus grand.

    Et que se passe-t-il alors dans un miroir quand on ne le regarde pas ? Prend-il la peine de refléter même lorsque rien ne l'y oblige ? S'accorde-t-il un peu de repos, se met-il en veille ? Ou produit-il des images fantaisistes, comme on se dégourdit les jambes, avant de reprendre la pose ? Nul n'a jamais surpris un miroir en liberté. Ce qui prouve l'extrême vigilance des miroirs, qu'aucun humain ne prendra jamais en défaut.

    On ne drague pas en Pédalo, clope au bec, Ray-Ban sur les yeux, un coude sur le siège. On n'apostrophe pas les filles, la radio à fond. Sur un Pédalo, on rentre les épaules, on fait profil bas. Le Pédalo est une leçon d'humilité.

    C'est sans doute ce qui fait le plus défaut à l'homme moderne : la possibilité de dire : "Pouce !". La faculté de se mettre hors jeu, qui offre au remplacé le recul nécessaire à la lucidité, et la chance d'être meilleur la fois suivante.

    La voiture a tué plus de quarante millions d'êtres humains depuis sa création. A ce titre, on peut considérer que l'automobile est le premier prédateur de l'homme.
    Il est déjà sidérant d'imaginer que l'être humain ait engendré lui-même l'instrument de sa propre extermination, comme jamais aucune autre espèce de l'histoire. Il l'est encore plus de constater qu'il le fait avec enthousiasme. L'homme voue un véritable culte à al voiture, et se presse en masse au Salon de l'automobile.
    Jamais aucune souris ne se rendra au Salon du chat.


    Les glaces du pôle racontent l'histoire de la Terre. En les sondant très profondément, on peut connaître les évènements qui ont marqué la planète : les grandes mutations, les catastrophes écologiques, l'évolution du climat, etc. On peut même y déceler la trace des grands conflits mondiaux.
    A une échelle plus modeste, les glaces dans le congélateur racontent l'historique de l'appartement. Notamment celle à la vanille, avec des noix de macadamia. En la sondant à la petite cuillère, on peut y déceler les prémices d'un grand conflit avec les colocataires, car il en manque déjà la moitié, alors qu'on l'a achetée la veille.

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