mercredi 15 juin 2016

Paradoxe sur le roman - Kléber Haedens

Paradoxe sur le roman, de Kléber Haedens

95 pages
Editions du Sagittaire (réédité chez Grasset et en version électronique)
Année de parution : 1941


Pas de 4ème de couverture

*****

    Lorsque j'avais croisé ce livre sur l'étal d'un bouquiniste, je n'avais pu résister à l'envie de le prendre. Je ne connaissais pas l'auteur, mais cela me semblait être passionnant.
    Ce livre comme vous vous en doutez est un essai sur le roman, rédigé dans les années 1941, au coeur de la seconde guerre mondiale, période charnière dans la littérature.

    Dans cet essai Kléber Haedens essaye de réfléchir sur ce que les critiques littéraires appellent le "vrai roman" et quels sont les codes selon eux du roman. Au fur et à mesure de son analyse, il ne peine pas à démontrer que le roman n'est régi par aucuns codes, et ce qui fait d'un roman un "vrai roman" est justement son originalité. Pour Haedens de tous temps les écrivains ont tenté d'imiter leurs prédécesseurs, mais selon lui cela ne garantit en rien l'écriture d'un bon roman. 
    D'après les critiques le vrai roman doit parler de son temps, mais on trouve nombre de romans devenus classiques et incontournables qui ne décrivent en rien le monde et le siècle dans lequel vit l'auteur. Si les critiques semblent vouloir faire du romancier un peintre de son temps, Headens, nous démontre qu'il ne peut en être ainsi.
    Haedens différencie en cela l'art de la poésie, de la tragédie ou de l'essai, où certains codes ont été instaurés ; non pas pour être rigoureusement appliqués mais pour donner un sens ou un cadre plausible aux écrits. Par exemple l'unité de lieu et de temps de la tragédie n'est qu'une suggestion logique pour que le spectateur puisse plus facilement apprécier le spectacle, et le metteur en scène pouvoir aisément le mettre en scène. Cela étant, toutes les tragédies ne respectent pas ces règles. Grâce à cela, Hadens souligne qu'une bonne tragédie, un bon poème ne relève pas du respect rigoureux des règles, mais du génie et du talent de l'auteur. Un auteur imaginatif et audacieux pourra se permettre de transgresser les codes et écrire un chef d’œuvre, car son talent suffira à transporter lecteur et/ou spectateur.
    Avec cette démonstration, Haedens essaye de faire entendre raison aux critiques, qu'il en va de même pour le roman. Ecrire en respectant leurs règles, fera sûrement un livre agréable à lire et divertissant, mais il ne saura marquer les esprits et traverser le temps. Alors qu'un roman audacieux, où l'auteur se laisse portée par son imagination et ses idées, qui s'affranchit de tout pour écrire a davantage de chance de sortir un livre qui sera encore apprécié quelques décennies plus tard, et qui dès lors mérite le titre de Vrai Roman.

    C'est un essai très facile à lire, très bien structuré, avec des chapitres clairs, qui se suivent. Tout le monde peut s'y essayer sans être perdu dans les références et les mots savants, et c'est appréciable.
    Le résumé que je viens de vous en faire est très sommaire, j'ai pris la liberté de prendre des raccourcis dans son raisonnement, mais j'espère vous donnez envie de le lire, si le sujet vous intéresse.
    Je ne regrette pas que ce petit essai ait rejoint mes étagères, et je pense qu'il me sera intéressant de le relire d'ici quelques années. Surtout que la réflexion menée est encore et toujours à l'ordre du jour.

    A la fin du livre il y a ce petit détail que je trouve amusant, mais qui ne devait pas l'être pour les auteurs à l'époque : (Visa de la Censure n°818)

    L'écrivain dont la personnalité est riche et forte ne tient aucun compte de ces préceptes ridicules. Il n'écrit pas pour exprimer les idées du voisin. Ce sont bien ses propres visions et ses propres rêves qui composent la substance de ses ouvrages. A l'univers qu'il crée, il impose sa marque, il dicte ses lois, même s'il est ce qu'on peut appeler un romancier réaliste. 


    Cependant, des romans qui semblent écrits par des collégiens peu doués, reçoivent les soins et l'attention de la critique. le charabia, la platitude, le non-sens, triomphent à leur aise dans le roman moderne. Personne ne s'en indigne, et de maudits barbouilleurs vont en paix. La critique pousse même l'obligeance jusqu'à fixer une distinction à leur usage. D'un côté, les grands écrivains, de l'autre les grands romanciers. Car, ce ne sont pas les mêmes et le romancier à le droit de traiter sa langue avec un mépris qui vous fait reculer d'horreur. Du moment que ses personnages "viventé il est en règle avec l'opinion.

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