vendredi 15 juillet 2016

Germania - Joël Schmidt

Germania, de Joël Schmidt

201 pages
Editions Albin Michel
Parution : Juin 2016

4ème de couverture :
    Est-il possible, au XXe siècle, que deux familles, l'une française, l'autre allemande, parviennent à s'entendre ? Le roman de Joël Schmidt rêve cette harmonie à travers une histoire d'amour sombre et passionnée.
    C'est en France, où elle est partie poursuivre ses études au lendemain de la Première Guerre mondiale, que Karoline, une jeune Allemande éprise de littérature romantique, rencontre Jean. Très vite, ils s'aiment, mais leur amour, symbole de la réconciliation entre deux pays ennemis, est vite menacé par l'Histoire : contraints de se réfugier dans le château familial en Corrèze lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, ils subissent de plein fouet cette nouvelle page meurtrière, déchirés de voir leurs cultures respectives se livrer une guerre sans nom. Quelques années plus tard, naît le rêve, fou et audacieux, de leur fils : fonder Germania, un centre culturel allemand, comme une minuscule enclave au coeur de la France. Mais cette Allemagne idéale est-elle possible dans d'autres esprits que les leurs ?
    Saga familiale qui parcourt le XXe siècle, voyage au coeur de l'imagination, Germania appartient à cette tradition du romantisme allemand cher à Joël Schmidt, qui lui a consacré de nombreux romans. 


    Ce qui m'a tout d'abord surprise c'est l'association "saga familiale" et "200 pages". Je ne sais pas vous, mais personnellement j'ai plus le souvenir de saga familiale de 500 pages et plus, que sous le format d'un court roman. Mais après tout, pourquoi pas.
    Très vite on se rend compte que ce n'est pas vraiment une "saga" comme on l'entend le plus souvent. Certes le roman relate la vie des parents, puis celle de leur fils, mais de façon très sommaire, sans entrer dans les détails. Seuls certains sont rapportés, et beaucoup sont passés sous silence.
    J'avoue que j'aurais bien du mal à dire que je "connais" les personnages, comme cela peut être le cas avec ceux d'autres sagas. L'auteur ne nous en fait pas des amis proches dont on découvre l'intimité, les joies et les peines. Jean et Karoline, nous apparaissent comme un couple de jeune gens libre et romantique, hors du temps. Leur fils Gunter nous est déjà plus proche, mais pas suffisamment pour s'en faire un "ami".
    Le terme de "saga familiale" en quatrième de couverture est-il alors exagéré ? Je dirais que non, car l'auteur a bien eu l'intention de nous raconter la vie de cette famille sur deux générations (voir trois si on prend en compte ce que l'on sait des parents de Jean et Karoline). Mais il semble avoir choisi de le faire à travers un autre type de récit, plutôt qu'un roman au long court, s'est plutôt comme s'il avait cherché dans les archives à reconstruire le récit de la vie de cette famille en ces périodes de guerre. Et comme lorsqu'on se met en quête de l'Histoire, on n'en retrouve que des fragments. Et ceux-ci ne vous rapporte que les grands faits : déménagements, emplois, écrits, actions, etc ..., cela ne vous rapporte rien de l'intimité des personnes, ou rarement.
    J'avoue cependant, avoir eu un sentiment de trop peu, comme si l'auteur n'avait fait qu'effleurer son sujet, sans prendre le courage de l'approfondir vraiment. Avec cette sensation de rester dans l'idée première. Il est vrai que pour approfondir davantage, cela aurait nécessité davantage de recherches sur la période, les évènements, vérifier si les évènements familiaux et maritaux auraient été possible ... Rester en superficie permet de donner l'impression que tout était possible au lecteur sans qu'il ne se pose de question.
   Mais je reste une lectrice indécise sur le sujet : d'un côté j'ai l'impression d'avoir été flouée, de ne pas en avoir assez et de l'autre d'en avoir eu largement assez, comme si plus allait m'amener de la lassitude. Oui, parfois je suis une femme compliquée...

    L'idée centrale du roman, cette Germania que va faire naître le fils au coeur de la France, est originale. Elle est inspirée de la Nueva Germania, qui a vu le jour en Amérique du Sud en 1886. Mais contrairement à celle-ci, elle n'est pas destinée à créer un lieu de préservation de la race Aryenne. Dans l'idée, cette Germania serait une reproduction de la vie en Allemagne avant que les nazis arrivent au pouvoir, ce devrait être un haut lieu de la culture allemande ; une façon de redorée l'image de l'Allemagne, de repartir à zéro et de montrer aux autres peuples que ce n'est pas une nation de sauvage primaire et antisémite. Ce devrait être un lieu d'échange entre les cultures. Mais un tel projet peut-il marcher si peu de temps après la seconde guerre mondiale ?
    Malgré son amour pour l'Allemagne Romantique, cette famille pourra-t-elle lui donner une nouvelle impulsion ?

Ce roman est aussi une quête d'identité. Comment réussir à se définir et à grandir en tant qu'adulte dans un monde où vos deux pays d'origines se déchirent et se détestent. Comment assumer son côté allemand en France et comment reconnaître aimer la France et ses valeurs, dans cette Allemagne qui souhaitent les anéantir. Comment se choisir, et se créer une personnalité complète, quand on vous reproche vos origines ? Si pour Jean et Karoline, la décision semble simple, pour leur fils, la question sera d'autant plus difficile, qu'il est tenu à l'écart du conflit mondial. Ce n'est qu'à la fin de la guerre, qu'il prendra conscience de celle-ci, de ses enjeux, et réalisera que le monde idéal de tolérance et d'amour entre les deux nations que ses parents entretiennent autour de lui, n'est qu'illusion. Si la prise de conscience sera rude, n'est ressortira-t-il pas plus fort ?

   A travers ce roman, Joël Schmidt soulève un grand nombre de question, et on sent qu'il souhaite inviter le lecteur à se poser des questions. On sent son amour de l'Allemagne de jadis et son envie de la faire découvrir, et de donner à son lecteur l'envie de s'y intéresser.
C'est un livre original, qui se laisse bien lire, offrant un point de vue originale et qui change, à mi-chemin entre réalité et utopie.

    Toute sa vie de petit garçon est à repenser. Il s'est fourvoyé et va devoir longtemps payer cette erreur indigne ! Avoir pensé que la guerre est un jeu, contre tout ce qu'il entendait, éprouvait, voyait, c'est une lâcheté.

    Que choisir entre l'Allemagne et la France ? Comment éviter ces contradictions, qui d'année en année, vont le torturer en silence, sans qu'il ose l'avouer à ses familles ? Comment ne pas se sentir scindé en deux, littéralement scié au point de souffrir d'épouvantables migraines ? Comment parler à la fois deux langues sans savoir laquelle est sa langue natale ?

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