jeudi 31 mars 2016

C'était quand demain ? - Clotilde Bernos

C'était quand demain ?, de Clotilde Bernos

50 pages
Oskar Editeur
Parution : octobre 2015


4ème de couverture :
   Pour Fleur, l'heure n'est jamais à l'heure. L'heure arrive toujours trop tôt. Et Fleur toujours trop tard.
   Heureusement avec Lily Rose, l'amie adorée de son coeur, Fleur va se mettre à l'heure du temps ...







    Fleur est une petite fille comme les autres, mais elle aime prendre son temps, ce qu'il fait qu'elle n'est jamais à l'heure. Si son 'Pa a un horloge dans la tête ce n'est pas son cas à elle, et à cause de cela elle n'est pas tout à fait heureuse.
    Fleur ne le fait pas exprès d'être tout le temps en retard : sa tête est pleine de rêves qu'elle laisse vagabonder. Mais à cause de ça son 'Pa s'énerve avant d'aller à l'école, en classe elle est toujours la dernière, ... bref elle a l'impression d'être en décalé.
    Alors elle décide de tout faire pour se mettre une bonne fois pour toute à l'heure de tout le monde. et cela ne va pas être simple.

    C'est une jolie petite histoire pour les enfants qui commencent à lire tout seul comme des grands. Elle se laisse lire facilement, et le personnage de Fleur est très attachant. Les mails de la maman écrit en italique donne un peu de vie au texte. Un joli texte pour les enfants.

    C'est un chouette petit roman pour expliquer aux enfants, que dans la vie il y a un temps pour tout : un temps pour rêver et prendre son temps, et un temps social avec des horaires à respecter. Être à l'heure n'est pas inné, et tout le monde ne sait pas l'être. Moi par exemple, j'ai du mal à l'être lorsque l'heure n'est pas impérative, mais il parait que c'est du à mon signe astrologique ... comment ça je me cherche une excuse ?! Du coup je me retrouve en partie dans cette petite fille.
    Cela m'a amusée de lire ce livre, de découvrir tous les petits trucs que Fleur met en place pour peut-être réussir à être à l'heure comme elle l'a promis.
    J'ai aimé cette maman qui prend le temps de dire à sa fille, qu'il faut aussi savoir prendre son temps, et que l'on a pas toujours besoin d'aller vite. Qui a dit qu'être rapide voulait dire être efficace ? Et puis c'est si beau et important de rêver, ... il faut savoir s'en donner le temps.

    C'est un petit livre qui fait du bien, que ce soit au jeune lecteur qu'à l'adulte qui le lit. Il sait parler à l'enfant qui sommeille encore en nous et qui a envie de se libérer des conventions, et à qui il faut laisser la place de s'exprimer.
   Un petit livre à lire en famille pour un joli moment de bonheur et de partage.

    Le lendemain, quand tout le monde dort encore, Fleur tire l'horloge de sous son lit ; elle enlève les quatre grosses piles qui la font tourner et, comme une plume, la raccroche sur le mur de la cuisine. Une de moins. D'autant que 'Pa n'est pas un bricoleur forcené.
    Mais partout sur la terre, les horloges continuent de tourner...
    Alors elle se met à chercher une autre idée.

    Chez nous, il nous faut beaucoup plus que de la nourriture et un toit pour être heureux. Il nous faut tout. Et surtout aller beaucoup plus vite que tout. C'est la course au bonheur, mais le bonheur n'est pas un ballon qu'on peut attraper. Le bonheur, il est dans ton coeur. Ne cours pas, ma puce. Reste ma petite fille si joyeuse et si lente... que j'aime très fort.






mercredi 30 mars 2016

La femme au colt 45 - Marie Redonnet

Le femme au colt 45, de Marie Redonnet

112 pages
Editions Le Tripode
Parution : Janvier 2016


Rabat de couverture :
     L'Azirie est tombé sous le joug d'une dictature. Lora Sander décide de fuir le pays. Sa vie de comédienne est devenue impossible. Elle prend le chemin de l'exil et rejoint l'Etat limitrophe de Santarie, munie de son colt 45

4ème de couverture :
     "Je dois apprendre toute seule à devenir Lora sander"



    Une des premières choses que j'ai apprécié : c'est la présentation de ce livre. L'objet en lui-même est superbe et très agréable à manipuler : couverture souple, illustration lumineuse de la couverture, mise en page avec des marges généreuses, grain de papier fin, ... autant de petite chose qui sont une invitation à la lecture.

    C'est donc un soir que j'ai plongé dans l'histoire de Lora Sander. Moi qui ne pensait ne lire que quelques pages avant de dormir, je n'ai pu poser le livre avant d'en connaître la fin.

    J'ai été complètement happée par la narration. Marie Redonnet a fait un choix audacieux : elle laisse son personnage parlé et commenté ce qu'elle fait du début à la fin du livre, nous glissant juste quelques phrases par-ci par-là à la manière des didascalies de théâtre. Son personnage étant comédienne, ce choix semble si pertinent et évident. Au point de se dire, qu'il serait passionnant de porter ce texte sur les planches.
    Lora Sander est comédienne, elle a épousé le directeur du Magic Théâtre et y a fait toute sa vie. Mais lorsque son mari est arrêté par le régime en place, elle n'a d'autres choix que de fuir. Elle nous emmène avec elle dans cette fuite, elle nous fait vivre chacun des moments de sa vie, comme autant d'instantanés. Utilisant la parole et les mots comme d'autres les images sur instagram.
    Sa vie est-elle belle ? est-elle simple ? elle ne la juge pas, se contentant de mettre chaque jour un pied devant l'autre. Elle vit et se sent vivante, mesurant cette chance immense d'être là où elle est, malgré les difficultés rencontrées et la solitude. Mais qui a dit que la vie est un long fleuve tranquille ? Chacun est seul aux commandes de sa vie, et les rapprochements sociaux sont ponctuels : la seule personne sur laquelle on peut compter chaque jour est soi-même.
    Alors Lora Sander croit en elle, en ses qualités et fait confiance à la vie. Elle se dit que demain apportera de nouvelles choses, mais elle n'espère pas trop, cherchant des petits bonheurs dans les choses du quotidien, dans ce qui lui reste. Comment faire autrement de toute façon, lorsque l'on a plus ni papier, ni identité, que l'on est en territoire inconnu, sans le sou et que le retour à la maison est dangereux ? Lorsque l'on a plus rien à perdre, on développe des trésors d'imagination, on prend des risques, et on vit encore plus fort.

    Cette vie que nous raconte Lora Sander, est celle que des milliers d'hommes et de femmes vivent de par le monde, vaillamment sans se plaindre. Avancer pour continuer à vivre, en espérant un jour que le vent chasse les nuages et que la vie redevienne plus clémente. Ces hommes et ses femmes qui se battent chaque jour pour vivre une vie digne et libre, nous les côtoyons peut-être sans même le savoir, car toujours ils gardent la tête haute, jamais ne se plaignent ; car baisser sa garde, se laisser aller à la mélancolie leur vaudrait un billet retour pour l'enfer.
    Lora Sander est-elle courageuse ? L'est-on lorsque le courage n'est plus une option et qu'il faut aller au devant de tous les dangers pour maintenir sa vie ?
    Le corps et l'esprit humain recèlent des ressources incroyables lorsque cela est nécessaire, et elle nous en fait une belle démonstration. A trop vivre dans le confort, nous en oublions souvent la chance que nous avons.

   Je me plais à penser que ce livre pourrait être portée sur les planches par Lora Sander, elle-même, lorsque le soleil brillera à nouveau dans sa vie et qu'elle pourra redevenir, en partie du moins, celle qu'elle était avant : une comédienne passionnée et libre.

    Ce livre a vraiment été une belle découverte. J'ai aimé suivre la narration, suivre la voix de Lora Sander, m'imaginer les faits qu'elle nous relate. De par sa plume, Marie Redonnet a fait de son personnage, une femme très proche de nous, presque une amie. C'est un ouvrage d'une très belle qualité littéraire, que je prendrais plaisir à relire à voix-haute pour lui donner encore plus de dimensions et laisser aux mots toutes les forces et leur puissance.
    C'est un délicieux moment de lecture que je ne peux que vous conseiller, promis vous ne serez pas déçus. :)

    - Je croyais ne jamais quitter le Magic Théâtre. Le Ministre de la Culture a brusquement décidé de le fermer sous prétexte qu'il était vétuste et que les règles de sécurité n'y étaient pas respectées. En fait il juge que les pièces de Zuka sont trop critiques et qu'elles encouragent la sédition. C'est pour cette raison que Zuka a été arrêté. Moi aussi qui jouais dans ses pièces je suis subversive. Giorgio était contre le principe de non-violence que lui a enseigné Zuka. Il pense que ce n'est pas seulement en faisant du théâtre qu'on peut renverser la dictature du général Rafi. Si les hommes libres ne prennent pas les armes pour se défendre, le terreur l'emportera partout dans le monde et pas seulement en Azirie. C'est pour cette raison qu'il a quitté le Magic Théâtre où il avait grandi et qu'il s'est engagé dans la lutte armée. je comprends Giorgio même si j'ai peur pour lui. A quoi ont servi les pièces que nous avons jouées puisque le Magic Théâtre a été fermé et que Zuka a été arrêté comme s'il avait pris les armes ? Je ressemble à Giorgio sinon je me serais débarrassée de mon colt depuis longtemps. 

    -Je veux que Giorgio soit fier de moi si un jour nous nous retrouvons, sains et saufs tous les deux et tous les deux ayant fait nos preuves. Sous l'aile protectrice de Zuka, Giorgio ne pouvait pas s'affirmer, comme moi qui suis restée une petite fille même si je suis une femme de presque cinquante ans ! Il est temps que je devienne enfin moi-même.  

    -Même si je suis fatiguée, je retarde le moment d'aller dormir parce que j'aime être assise au bord du fleuve. C'est mon moment de détente que j'attends avec impatience. Je pense à Zuca et à Giorgio comme si je les avais connus dans une autre vie dont le souvenir s'éloigne chaque jour un peu plus. je m'accroche à ce souvenir pour garder mémoire de ce que j'ai été. Sans cette mémoire, je serais perdue.

lundi 28 mars 2016

C'est lundi, que lisez-vous ? [71]

"C'est lundi ! Que lisez-vous?" C'est une idée originale créé par Mallou, maintenant coordonnée par Galleane.

On répond comme chaque Lundi à trois petites questions :

1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment?
3. Que vais-je lire ensuite ?

 

Ce que je suis en train de lire : 
    
Du 14 au 27 mars 2016
     Il y a des semaines comme celles qui viennent de s'écouler, où je n'arrive pas vraiment à lire. En premier lieu parce qu'elles sont remplies d'une multitude de choses à faire, et en second lieu, parce que mon cerveau est obnubilé par mille et une autres choses, me laissant peu de moment de calme pour plonger dans ma lecture.
    Pourtant pendant ces deux semaines, j'ai lu tous les jours, un petit peu. Quelques pages par quelques pages. Ce ralentissement est-il du au livre lui-même ? ou au contraire ce livre était le meilleur allié pour ce moment particulier ?
    J'ai du mal à avancer dans l'histoire, ne voyant vraiment pas où l'auteur veut en venir. Plus qu'une centaine de pages et je ne vois toujours pas ... La fin sera forcément une surprise ...






- Une nuit d'été, de Chris Adrian
    Libre transposition dans le San Francisco d'aujourd'hui du Songe d'une nuit d'été, le roman de Chris Adrian est un livre surprenant, où réalité et féerie se télescopent pour interroger la nature exacte de l'amour.
    Henry, Will et Molly ne se connaissent pas mais ils ont quelque chose en commun. Tous trois viennent de perdre un être cher dans la mort ou la rupture. Un soir d'été, tandis qu'ils se rendent à une soirée, ils s'égarent dans Buena Vista Park sans savoir que ce lieu est devenu le refuge secret de Titania et Obéron, les souverains du royaume légendaire immortalisés dans la pièce de Shakespeare, inconsolables depuis la mort de leur fils... Ensemble, ils vont vivre une nuit à nulle autre pareille.
    A l'image d'Obéron, doté du pouvoir de sonder le coeur humain, Chris Adrian explore la puissance et le mystère de l'amour, se jouant de la frontière entre mythe et réalité, grâce et gravité. Il réussit un roman drôle et émouvant, d'une inventivité rarement égalée.
 
 Mes prochaines lectures :

Une pièce de théâtre ou un roman historique pour la jeunesse.
 
Et vous que lisez-vous ?

lundi 14 mars 2016

C'est lundi que lisez-vous ? [70]

"C'est lundi ! Que lisez-vous?" C'est une idée originale créé par Mallou, maintenant coordonnée par Galleane.

On répond comme chaque Lundi à trois petites questions :

1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment?
3. Que vais-je lire ensuite ?

Ce que j'ai lu la semaine passée :

Du 7 au 13 mars 2016
Une petite semaine remplie de jolies lectures. J'ai tout d'abord fini Le frère de Simone, un livre assez forts et très "remplis", j'ai besoin de le laisser encore un peu décanter avant de vous en parler ici. Je me suis bien amusée avec L'univers à peu près et pour rester dans cet esprit léger j'ai dévoré les deux courts tomes des aventures de Mr Boniface, un savant fou comme on les aime.
*

 

- Le frère de Simone, de Eva Kavian
- L'univers à peu près, de Didier Tronchet
- Monsieur Boniface Rapetisse, de Guy Jimenes & Vincent Sorel
- Monsieur Boniface - Invisibles - de Guy Jimenes & Vincent Sorel
 
Ce que je suis en train de lire : 
   
   J'ai commencé Une nuit d'été, mais j'ai un peu de mal à rentrer dans l'histoire. L'écriture est dense, l'univers complexe et les personnages multiples. J'hésite à faire une pause dans cette lecture pour la reprendre vers la fin du mois, lorsque j'aurais plus de temps pour m'accorder de longues heures de lecture. Affaire à suivre donc ...



- Une nuit d'été, de Chris Adrian
    Libre transposition dans le San Francisco d'aujourd'hui du Songe d'une nuit d'été, le roman de Chris Adrian est un livre surprenant, où réalité et féerie se télescopent pour interroger la nature exacte de l'amour.
    Henry, Will et Molly ne se connaissent pas mais ils ont quelque chose en commun. Tous trois viennent de perdre un être cher dans la mort ou la rupture. Un soir d'été, tandis qu'ils se rendent à une soirée, ils s'égarent dans Buena Vista Park sans savoir que ce lieu est devenu le refuge secret de Titania et Obéron, les souverains du royaume légendaire immortalisés dans la pièce de Shakespeare, inconsolables depuis la mort de leur fils... Ensemble, ils vont vivre une nuit à nulle autre pareille.
    A l'image d'Obéron, doté du pouvoir de sonder le coeur humain, Chris Adrian explore la puissance et le mystère de l'amour, se jouant de la frontière entre mythe et réalité, grâce et gravité. Il réussit un roman drôle et émouvant, d'une inventivité rarement égalée.
 
 Mes prochaines lectures :

Une pièce de théâtre ou un roman historique pour la jeunesse.
 
Et vous que lisez-vous ?

samedi 12 mars 2016

L'été contraire - Yves Bichet

L'été contraire, de Yves Bichet

179 pages
Editions Mercure de France
Parution : Septembre 2015


4ème de couverture :
    Une infirmière, un agent d’entretien, deux retraités, une simplette… Cinq petits héros du quotidien qui refusent de céder à la morosité alors que l’été arrive, qu’il fait de plus en plus chaud, que la canicule menace. Le pays se délite mais eux se découvrent, s’aiment et se confrontent à la manière batailleuse des timides. Loin de s’apitoyer sur leur sort, ils nous guident vers des chemins de traverse où le burlesque côtoie le drame et, peut-être, une nouvelle forme d’utopie.  


    Ma relation à ce livre a été un peu particulière je dois bien l'avouer. Pendant ma lecture, je n'ai absolument pas été convaincue : ni par l'histoire, ni par les personnages, ... Je me disais "oui, mais encore", "il veut en venir où là?". Mais comme je n'abandonne jamais un livre je l'ai lu jusqu'au bout. Et mon verdict a été sans appel : ça ferait un scénario de film original, mais à lire cela manque vraiment d'intérêt. Je me suis longtemps demandé ce que je pourrais bien vous en dire, et qu'écrire dessus.

     Les mois ont passé depuis ma lecture, qui date d'octobre, mais le livre est resté dans un petit coin de ma tête. Et aujourd'hui j'en garde un souvenir attendri, une petite pointe de tendresse pour les personnages.
    Mais surtout j'ai lu plusieurs actualités qui m'ont rappelés des passages du livre, qui m'ont rappelé cette drôle d'équipe qui s'aventure sur les routes en plein été caniculaire.

     Ma question aujourd'hui est presque celle-ci : ce livre est-il si visionnaire au point qu'on ne puisse le prendre au sérieux tel quel lors de la lecture et qu'il ne puisse s'éclairer que de quelques actions concrètes dans le monde ? Car derrière cette histoire de deux petits vieux, deux jeunes et une simplette qui s'échappent d'une maison de retraite et finissent sur les routes, il y a beaucoup d'autres choses, beaucoup d'autres idées et réflexions menées ou juste suggérées par l'auteur. Et lors de ma lecture je ne m'en étais pas rendue compte, m'étant simplement contentée de lire l'histoire.
    Je dois reconnaître que sur ce coup-là l'auteur a joué très fin, car ce sont toutes ces idées et réflexions qui restent gravées dans notre esprit, à la manière des images subliminales, et ce sont elles qui ressortent petit à petit. Rares sont les livres qui ont marqué mon esprit de cette façon.

    A travers ce récit, c'est presque toute notre société qui est dénoncée, avec en vrac : l'individualisme croissant, les capitaux et la rentabilité à tout prix qui mènent le monde, la surconsommation, l'égoïsme, l'embourgeoisement, ... Il rappelle aussi au lecteur que le peuple peut changer les choses pour peu qu'il s'en donne les moyens, et que l'effet papillon est tel qu'une goutte dans l'océan peut se transformer en véritable raz-de-marée.
    Finalement notre fine équipe n'a fait que donner une petite impulsion en cet été caniculaire, et la véritable histoire est celle qu'elle a provoqué sans même le vouloir.

    Je reste tout de même persuadée que ce roman serait encore meilleur porté à l'écran, à condition que l'auteur travaille à sa réalisation, car je pense qu'il a encore beaucoup de choses à dire et à suggérer, et l'image serait à mon avis plus impactante que les mots.

    Pour finir je dirais, que cette lecture a été vraiment très intéressante, et que parfois il faut m'expliquer longtemps avant que je comprenne l'intérêt d'un livre et les messages que souhaitaient faire passer un auteur. Le temps est un allié précieux parfois, et ce roman me conforte dans l'idée qu'il ne sert à rien de vouloir parler d'un livre trop vite, il faut laisser aux mots le temps de faire leur œuvre en nous, pour enfin pouvoir poser des mots sur notre ressenti.
    Je vous mets donc en garde : ce livre demande une lecture en trois dimensions et non une simple lecture linéaire, mais étant prévenu je pense que vous comprendrez tout de suite ce que je veux vous dire par là.

    La bouche sèche, la nuque perlée de sueur, il regarde autour de lui et se dit qu'il faudra bien un jour ou l'autre en finir aussi avec ces escapades délétères au casino... Une seconde, l'image de Clémence traverses son esprit, l'infirmière qui à ses risques et périls les prtège, leur ouvre le portillon du bas chaque début de week-end. Personne d'autre ne les comprend, ne les aide. Il lève la maison au dessus des joueurs, déplie ses doigts, pose ses lèvres et souflle fort. Il envoie son baiser au plafond.

    Le monde peut bien courir à sa perte, Gigi se fiche du temps déréglé, des allergies qui explosent, de l'augmentation générale des températures. Elle aime les fleurs et les visages. Elle aime la pluie, la neige, la canicule autant que les grêlons et les éclairs de chaleur. Elle aime l'amour et les mots doubles. Elle aime sa Germaine. Elle pense que les râleurs de ce monde égaré vont tous un jour flétrir sur pied comme des coquelicots...

    Elle lisse sa poupée de chiffon, lustre sans fin ce bout d'étoffe élimé et ce geste-là requiert toute son attention. Elle triture son tissu mille fois aplati comme si rien d'autre n'avait d'importance. Le banquier la regarde faire en hochant la tête. La solution est peut-être ici finalement, à portée de main, dans ce geste inutile, répétitif, dans cette tendresse sans destinataire, un amour gratuit et vain. Une marche à suivre.

mercredi 9 mars 2016

Journal d'un vampire en pyjama - Mathias Malzieu

Journal d'un vampire en pyjama, de Mathias Malzieu

226 pages
Editions Albin Michel
Parution : 27 janvier 2016


4ème de couverture :
     Me faire sauver ma vie est l'aventure la plus extraordinaire que j'aie jamais vécue.








    Mathias Malzieu fait partie de ces auteurs à qui je fais 100% confiance. C'est donc tout naturellement que j'ai dévoré son dernier livre. La première fois que j'ai lu un livre de cet auteur, j'ai été charmée par ses mots, par les émotions qu'il transcrivait sur le papier et par son humour, bien avant de savoir qu'il s'agissait du chanteur de Dyonisos. De la même manière que j'ignorais qui il était cette fois-là, j'ignorais également qu'il avait été gravement malade. C'est donc complètement à l'aveugle que j'ai commencé ma lecture, sûre d'une seule chose : j'allais passé un bon moment.

    Avant qu'il ne le mentionne dans ce livre, je n'avais jamais réalisé que tous ses romans étaient en grande partie autobiographique, basés sur des éléments de sa vie, enrichis de son imaginaire. Mais sont-ce seulement ses livres qui le sont, où ne vit-il pas une grande partie de sa vie à travers son imagination ? Faisant des liens entre les choses, des projections et ramenant tout à l'enfance et au jeu ? A la lecture de ce récit, on peut se poser la question, mais on ne peut qu'espérer que cela soit encore pendant longtemps, car c'est ce qui fait sa force et son charme.

    Comment imaginer que sous un titre aussi amusant se cache en réalité une maladie aussi grave ? Durant toute sa descente aux enfers et sa convalescence, Mathias Malzieu a tenu une sorte de petit journal, narrant ce qui lui arrivait avec tout l'humour dont il est capable. C'est comme si dès le départ, il avait compris qu'il lui arrivait un truc exceptionnel, et que dès le départ il avait su qu'il en ferait un livre et un album. Non pas pour vendre, mais parce que la création est pour lui une façon d'affronter les évènements, une bouée de sauvetage, un repère et un but. Lorsque l'on commence à écrire un livre : on veut aller au bout, aller voir se qui se passe à la fin, coûte que coûte ! Surtout ne pas laisser tomber en route. C'est la création qui l'a toujours porté. Certes il est sûrement plus plaisant de prendre une histoire d'amour pour base, mais on ne choisit pas ce que la vie nous donne, et chaque épreuve nous enrichit.
    Dans ce récit il nous raconte tout : l'annonce, les mini-objectifs qu'il se fixe, les difficultés physiques, son amour pour a femme qui le soutient, le délabrement du corps, le fourmillement de l'esprit, ses passages en chambre stérile, ses doutes et ses espoirs, ses petits combats quotidiens. Il se livre sans réserves, tout en gardant une grande part d'intimité personnelle. Mais l'homme que nous y découvrons est attachant. Il reste dans le naturel, l'humour et une certaine désinvolture, que je suis sûre le caractérise au quotidien.

    J'aime ce regard très enfantin qu'il semble poser sur la vie. Il est obstinément optimiste, mais loin d'être raisonnable ; et voit le beau et l'amusant en tout. Même si le sujet est grave, c'est un livre qui fait du bien, simplement parce que l'auteur y a mieux tout ce qu'il y avait de positif en lui.
    La maladie est lourde à vivre, alors pourquoi s'alourdir la vie davantage alors qu'un simple trajet en skateboard permet de se sentir vivant ? Qu'un fauteuil-œuf peut aider à renaître ? Qu'un Noël en famille recharge les batteries pour mieux affronter les épreuves de la maladie ?
    C'est un livre qu'il serait bon de laisser trainer sur les tables de chevet dans les hôpitaux et dans les salles d'attente, car il fait passer un message important pour les malades : la seule chose qu'ils ont envie de faire c'est vivre et sourire, ce que parfois la famille n'est pas à même de comprendre, perdue dans son inquiétude. Parfois le malade ne sait pas non plus lui-même comment faire pour sourire, lui glisser ce livre entre les mains c'est comme lui donner un peu de poudre de fées, c'est ouvrir son imaginaire et lui redonner foi en la vie.

   La maladie c'est un après avec des espoirs et des projets, mais c'est aussi et surtout un pendant. Un pendant qu'il faut remplir de toutes ces petites choses qui rendent la vie belle. En gardant la foi et le sourire, il est beaucoup plus facile de reprendre le dessus et de faire reculer la maladie.

    A la lecture des dernières pages, on se sent léger, on a envie de saluer l'auteur pour son combat et de le remercier de s'être livrer ainsi, de remercier tous ces gens autour de lui qui ont su entretenir sa flamme et son sourire pendant cette période, et espérer que si cela devait nous arriver nous serions aussi forts qu'eux tous. 

    Puis je m'installe dans mon siège fétiche. Mon refuge-cabane-église de création. De là j'ai une vue imprenable sur le royaume invisible, le seul endroit où je peux vivre sans restriction. Là, je peux m'inventer des histoires vraies, apprendre à faire du skateboard aux enfants que j'aimerais avoir. Ou manger des gâteaux en silence, me tromper de bouteille dans le noir et me faire un bain de bouche au porto. Je me blottis dans l'écrin de la nuit. Et je finis par prendre un somnifère pour dormir avant que le jour se lève - c'est très mauvais pour la santé d'un vampire de rester éveillé à la lumière. 

    Ici c'est le pays des canards et de la pédagogie. les infirmières portent des armoires à glace émotionnelles sur leur dos en souriant. Ce sont les déménageuses de l'espoir. A elle la lourde tâche de diffuser quelques bribes de lumières aux quatre coins de l'enfer, là où les anges perdus font du stop à main nue. Comme avec les médicaments, elles doivent en ajuster constamment le dosage. Elles sont cigognes-mamans-nymphes-filles. Elles gagnent à être (re)connues.

    Je sens déjà la métamorphose opérer. Moi qui ai tant rêvé de chimères, géants, monstres amoureux et autres sirènes, me voici au combat pour un retour à la normalité. Le plus intense des contes de fées. Aller traîner dans une librairie sans penser à rien d'autre qu'à dénicher un bon livre. Sans se méfier du type qui tousse, ni de l'heure de prise des médicaments, juste s'oublier tranquillement. Pour l'amateur de rêves, le plus beau cadeau serait de pouvoir revivre "comme tout le monde".

    Ils ont raison au fond. C'est d'ailleurs exactement parce qu'ils ont raison qu'ils ne prennent pas en compte la passion. 

    "Il faut vivre au jour le jour et petit à petit, les choses vont s'améliorer" m'a-t-on dit. Aujourd'hui je vis de seconde en seconde, inspiration après inspiration.

mercredi 2 mars 2016

La vie quand elle était à nous - Marian Izaguirre

La vie quand elle était à nous, de Marian Izaguirre

355 pages
Editions Albin Michel
Parution : octobre 2015
Traduit de l'espagnol par Séverine Rosset

4ème de couverture :
   « Quand la vie était à nous »… Lola regrette le temps où son existence était peuplée de promesses et d’illusions, de livres et de discussions enflammées, d’amour et de projets pour bâtir une Espagne démocratique. L’espoir de 1936.

   Quinze années ont passé et ses rêves se sont envolés.  Il ne lui reste de cette époque, à elle et à son mari Matias, qu’une petite librairie dans les ruelles sombres d’un quartier de Madrid. C’est dans ce modeste lieu de résistance culturelle que Lola fait la connaissance d’Alice, une anglaise hantée par son passé et particulièrement par la mort de l’homme qu’elle aimait.
Intriguée par un livre en vitrine, Alice entraîne Lola dans une lecture singulière et bouleversante : La fille aux cheveux de lin, l’histoire de Rose, anglaise comme elle, soupçonnée d’être la fille du duc d’Ashford… Une amitié sincère voit le jour à mesure que les deux femmes découvrent ce livre qui va lier leur destin à jamais.
   Des paysages de Normandie à l’Angleterre de la première guerre mondiale, du Paris des années folles à l’Espagne des Brigades internationales, la romancière Marian Izaguirre nous entraîne dans un véritable voyage à travers la littérature, vibrant hommage à la force des mots.

     Ce livre a été une vraie gourmandise littéraire. Je l'ai savouré avec bonheur de la première à la dernière page. Soyons honnête j'ai compris très vite où l'auteur allait nous emmener, mais cela n'a pas gâché ma lecture pour autant, je me suis laissée porter par les mots et par l'histoire.

    Dans ce livre nous rencontrons un sympathique couple de libraires, la quarantaine, qui tiennent une toute petite librairie dans une ruelle. C'est une petit échoppe modeste qui vend des livres d'occasions et des fournitures scolaires. Et Alice, une petite mamie aux cheveux gris qui s'ennuie et découvre par hasard cette librairie. Rien ne laissait présager que cette rencontre fortuite au détour d'une rue allait changer la vie de ces trois-là.
    Au centre de tout le roman il y a un livre "La fille aux cheveux de lin", c'est grâce à lui que tout à commencer. Grâce à lui que les langues vont se délier et les amitiés naître, belles et fortes, solides et inattendues. De ce roman et de l'idée original du libraire de le déposer en vitrine ; cela s'est rarement, pour ne pas dire jamais, vu, et de l'offrir à la personne qui viendrait chaque jour lire les deux nouvelles pages affichées.
    Ce roman, c'est l'histoire d'une jeune fille, Rose, qui raconte sa vie depuis son enfance. Elle est placée enfant dans une ferme en Normandie, jusqu'à ce qu'elle soit inscrite au collège, et où elle découvre enfin le milieu dont elle vient. Fille illégitime, elle sera en perpétuelle quête d'identité, et dans ce parcours les livres seront de précieux alliés.


    L'auteur a choisi une narration originale, nous livrant la vie des libraires et de la vieille dame, mais en insérant le roman par chapitres entiers au fil de son récit. C'est lui qui donne vie à l'histoire, lui qui inspire les confidences et les réflexions.
    En faisant ce choix Marian Izaguirre nous seulement ravit son lecteur en mélangeant époques et styles d'écritures, mais le captive. Nous lisons deux histoire en une, si différentes, et pourtant ...

    A travers la vie de Lola et de son mari Matias (les libraires), l'auteur nous décrit pas bribes la vie sous le régime franquiste. Comment certains ont tout perdu, comment d'autres essayent tant bien que mal de s'accommoder du système pour tenter de vivre une vie normale, comment d'autres le rejettent en bloc et refusent d'y penser, comment d'autres gardent des blessures cachées et n'osent les avouer.
    La dictature a changé beaucoup de chose dans un pays où la vie s'écoulait simplement avec nonchalance. C'est peut-être avec nonchalance qu'elle s'est aussi installée, doucement, insidieusement. Mais pour les intellectuels, c'est un coup au cœur, un bouleversement de chaque instant, qui ne les fait aspirer qu'à un retour vers un régime plus libre, et on les comprend. Mais si le pays recouvre sa liberté, elle ne rendra pas ce qui a été perdu, et ça Lola le déplore chaque jour.

    J'ai beaucoup aimé les deux personnages féminins Lola et Alice, la vieille dame, très différentes et pourtant semblables. Deux femmes fortes qui ont décidé de rester debout contre vent et marée, de continuer chaque jour d'avancer et d'être le soutien de l'homme qu'elle aime. Chacune a choisi de vivre un amour désapprouvé, compliqué et aucune d'elle ne regrette ce choix, dans un monde encore emplit de conventions, où le divorce est mal vu et où l'on se marie dans son milieu. Ce sont deux femmes que la vie n'a pas épargnée, mais qui ont su rester belles et pleine d'audace.

    S'il y a une chose à retenir, c'est que l'argent ne fait pas le bonheur, alors que l'amour enrichit chaque jour de la vie de la personne qui s'y abandonne et qui se bat pour lui.

    C'est un livre que je conseille à tous les amoureux des livres : un livre sur les livres, en contenant un second et parlant d'amoureux de livres : quel choix serait plus approprié ?
D'ailleurs il semblerait que les passages qui m'ont le plus marquées dans ce livre appuient mes dires...


     - Quant tu te sentiras seule, lis un livre. Ca t'aidera à te sentir meilleure.

      Lola fait alors sienne cette phrase qu'elle a lue le matin même dans le livre de la vitrine : "Le premier baiser ne se donne pas avec la bouche mais avec le regard." Ce fut ainsi alors, il y a seize ans. Au pied des escaliers du métro, au milieu des gens avec leurs parapluies et leurs manteaux trempés, eux se sont embrassés parce que personne n'a rien pu faire pour l'éviter et parce  que aucun des deux n'a voulu résister. Ils se sont embrassés 

     L'amour véritable provoque de l'envie, de la jalousie, de l'irritation chez ceux qui ne l'ont jamais éprouvé, du ressentiment chez ceux qui l'ont perdu, des rivalités absurdes, des préjugés, des affrontements. L'amour c'est presque toujours la guigne !

     Les livres ont été mon monde, ils m'ont nourrie, m'ont fait vivre. 

     Je reste avec eux. Nous mangeons tous les trois. Sur la table de bois usé, celle sur laquelle je faisais mes devoirs quand j'étais petite, la table sur laquelle nous égrenions le maïs et embrochions les échalotes. Le lieu où tout se passe. Le centre de l'univers.

     Je suis ahurie de la facilité avec laquelle les gens s'adaptent à l'idéologie des vainqueurs.
 
     Je lis, je lis beaucoup. C'est alors que les paroles de James prennent leur véritable sens : "Quand tu seras seule, lis un livre... Ca te sauvera.". Les livres ont soudain le toucher rond et humide d'une bouée de sauvetage.