mardi 22 août 2017

La femme qui décida de passer une année au lit - Sue Townsend

La femme qui décida de passer une année au lit, de Sue Townsend

446 pages
Editions Charleston
Parution : Février 2015
Traduit de l'anglais par Fabienne Duvigneau

4ème de couverture :
    Le jour où ses jumeaux quittent la maison pour entrer à l'université, Eva se met au lit... et elle y reste. Depuis dix-sept ans que le train de la vie l'entraîne dans une course effrénée, elle a envie de hurler : « Stop ! Je veux descendre ! ». Voilà enfin l'occasion.
    Son mari, Brian, astronome empêtré dans une liaison extra-conjugale peu satisfaisante, est contrarié. Qui lui préparera son dîner ? Eva ne cherche qu'à attirer l'attention, prétend-il. Mais la rumeur se répand et des admirateurs par centaines, voyant dans le geste d'Eva une forme de protestation, se pressent sous la fenêtre de sa chambre, tandis que son nouvel ami, Alexander, l'homme-à-tout-faire, lui apporte du thé, des toasts, et une sollicitude inattendue. Depuis les confins de son lit, Eva va trouver le sens de la vie, rien de moins ! 


    Avouez qu'un titre pareil, cela vous vend du rêve ! Vous vous attendez à quelque chose de grand, de fou et d'original. Non ? C'était en tout cas mon cas ; et le résumé ne semblait pas contrecarrer mes attentes, alors j'ai sauté sur l'occasion de le lire.
    Je vais être honnête dès maintenant avec vous, j'ai été déçue. Déçue sur tout la ligne. Il a même fallu que je me force pour venir à bout des presque 450 pages, avec sans cesse ce sentiment de "Tout ça pour ça ?!".

    Dans ce livre nous suivons le quotidien d'une famille où la mère décide de se mettre au lit pour un an, sans plus s'occuper ni de sa maison ni de ses proches. Elle qui a toujours été à l'écoute de chacun, prévenant chacun de leur manque, chacune de leurs envies, en a assez : elle souhaite que le vent tourne, que pour une fois ce soit les autres qui s'occupent d'elle.
    En soi l'idée de départ est intéressante, voir amusante. Mais ici cela ne fonctionne pas. Dans cette famille, le dialogue est rompu depuis longtemps, les membres vivent les uns à côté des autres sans se confier ni se voir vraiment. Pourquoi ne pas avoir parler de cette lassitude de la mère ? Pourquoi ne pas expliquer sa position ? Car concrètement, elle agit sur un coup de tête, sans plus d'explications, sans mettre de mots sur son mal-être que du coup personne ne comprend. Admettons, qu'elle essaye tout de même, au cas où quelqu'un finisse par comprendre, mais devant l'incompréhension générale pourquoi ne pas avoir réagit ? Pourquoi imposer ce lourd fardeau à sa mère déjà vieille et souffrante, qui du coup ne peut prendre le temps de se soigner ?
     L'idée originale du départ, c'est transformé en mur d'égoïsme, où l'auteur semble nous dire que cette femme est à plaindre. Certes elle l'était sûrement au départ. C'était une femme fatiguée, usée par ses années d'attention envers ses enfants, mais n'est-ce pas le rôle d'une mère ? Si elle a oublié d'être femme, si elle s'est noyée dans les obligations sociales, c'est qu'elle l'a bien voulu également dans un sens, elle a laissé faire, elle a laissé cette vie devenir la sienne sans réagir. Finalement ne fait-elle pas simplement une crise de la cinquantaine ? ou une dépression ? que personne autour d'elle ne semble percevoir et encore moins comprendre.
    Entêtée et fière, elle se laisse dépérir, voulant attirer l'attention de sa famille sans rien leur dire. Mais ne dit-on pas que les hommes viennent de mars et les femmes de vénus, et que du coup ils sont incapables de se comprendre si l'autre ne s'exprime pas clairement ?
    C'est toute cette phase qui m'a le plus agacée : cette description de femme martyre. Pour moi elle n'est martyr de rien que de la situation dans laquelle elle s'est elle-même mise et qu'elle pourrait quitter afin de reconstruire une vie nouvelle, une vie joyeuse où elle ferait ce qu'elle veut comme elle l'entend.
    Se planquer au fond de son lit et tout attendre des autres n'est-ce pas avant tout de la lâcheté vis-à-vis de soi ? une envie de se faire plaindre sans prendre le temps de se remettre en question ? Bref vous l'aurez sans doute compris, le comportement de cette femme m'a profondément agacée. Je crois que je n'avais jamais lu un texte aussi empli d'égoïsme. Et cette mère qui voudrait nous montrer celui des membres de sa famille, ne réalise pas que le sien est mille fois plus important.

    Si au niveau de l'histoire, je n'ai pas été convaincue, j'ai été déçue par l'écriture. Sur la couverture on nous promet de l'humour, presque de la légèreté : je le cherche encore. Je n'ai rien trouvé de drôle ou d'amusant dans ce roman ; pas une seule ligne, et Dieu sait pourtant que je suis bon public... Mais je veux bien laisser le bénéfice du doute à Sue Townsend sur ce point, peut-être ce roman n'est-il pas le meilleur qu'elle ait écrit et peut-être la traduction ne rend-elle pas l'humour de la romancière. Peut-être que jeux de mots et tournures de phrases se sont perdus en passant d'une langue à l'autre. Dans un sens il est toujours difficile de juger de la qualité d'une écriture lorsqu'on ne la lit pas dans la langue originale... bien qu'il y est des traductions magnifiques de textes magnifiques, cela va sans dire. Mais, sur ce point, je préfère tout de même accorder le bénéfice du doute à l'auteur.

    En repensant au texte, à l'histoire, je me suis souvent demandée où l'auteur voulait en venir, avec cette femme qui s'enferme dans sa chambre, qui en barricade les accès, qui la vide de toute chose, qui la peint en blanc, qui la plonge dans le noir. Qui ferait une telle chose et pourquoi ? Et je me suis demandée si à travers ce comportement, Sue Townsend ne cherchait pas une métaphore de l'enfermement mental dans laquelle se glisse petit à petit les dépressifs ? Fermer sa chambre comme l'on ferme son esprit aux autres. Se laisser dépérir parce qu'on n'a plus l'envie de vouloir, et se laisser ainsi glisser sur une pente d'autodestruction jusqu'à ce que quelqu'un un jour force la porte et oblige le malade à ré-allumer la lumière dans son existence.
    Il m'a fallu du temps pour comprendre que c'est sûrement ce que l'auteur a voulu nous dépeindre de façon malhabile. Parce que, pour être honnête, c'est loin d'être évident lors de la lecture et je pense que beaucoup de lecteurs ont du passer à côté de cette volonté de métaphore. Et au final, quel dommage. L'idée de départ était tellement bonne, cela aurait pu faire un si formidable texte ... mais il se perd hélas dans des détours, des descriptions qui au lieu de servir l'idée centrale, ne fait que s'en détourner le lecteur et le perdre totalement  dans la futilité.
    Il faut reconnaître que l'exercice était difficile, l'idée ambitieuse, et je regrette profondément que Sue Townsend n'ait pas réussit à nous faire passer son message.

    Je ne sais pas si je peux conseiller ou non cette lecture. Peut-être que cette chronique pourra aider le lecteur a mieux comprendre l'histoire et à décoder l'idée sous-jacente de l'auteur, et à lui faire profiter pleinement du texte ... peut-être.

    - Depuis que je sais lire, je m'en sers comme d'un anesthésiant. J'ai tout oublier de la naissance des jumeaux, je me rappelle seulement le livre que je lisais.

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