lundi 22 juin 2020

Dans le désordre - Marion Brunet

Dans le désordre, de Marion Brunet

251 pages
Éditions Sarbacane
Parution : Janvier 2016

Présentation de l'éditeur :
Ils sont sept.
Sept qui se rencontrent en manif, dans la révolte, dans le désor- dre, et se lient d’amitié, refusant la vie calibrée et matérialiste que le monde leur impose. Parce qu’ils ont de la colère et de l’amour en reste, ils choisissent de vivre ensemble, joyeusement, en squat et en meute, avec leurs propres règles. Et au cœur de la meute, il y a Jeanne et Basil, qui découvrent l’amour, celui qui brûle et transporte, au milieu des copains – et dans l’intensité d’une vie nouvelle et différente.
Mais la lutte et l’engagement pour une vie « autre » ont un prix, qu’ils paieront très cher… et qui les transformera pour toujours.



     Ce livre est arrivé jusqu'à moi par hasard, au détour d'une superbe boite à livre dans un peu coin de Bourgogne. C'est la plus belle boîte à livres qu'il m'ait été donné de croiser. Imaginez : une jolie sculpture en métal d'un livre ouvert sur les premières pages d'une histoire, et une petite porte sur la tranche, qui s'ouvrent pour révéler les livres qui y ont été déposés. Un livre qui cache des livres, une histoire qui contient des histoires... Et ce livre, donc, qui retient mon attention. Un livre qui se démarque de tout ce que j'ai pu lire auparavant et qui irrésistiblement me donne envie de plonger dedans et de découvrir ce qu'il contient.

    Entre ses pages nous faisons la connaissance de Jeanne, d'Alison, de Basile, de Jules et Lucie, de Marc et de Tonio. Etudiants pour la plupart, jeunes gens qui se révoltent, qui veulent dénoncer un système qui ne marche plus. On les rencontre, et ils se rencontrent dans les hasards d'une manifestation qui tourne mal. Une main tendue, une peur partagée, et une amitié indélébile qui se crée.
    Chacun se retrouve un peu dans les autres, eux qui se sentent incompris le sont enfin. Les pensées des uns fait écho à celles des autres. Ils peuvent parler des heures : les idées fusent, les idées se croisent, s'opposent, mais toujours une même idée les guide : la dénonciation d'un système malade. 
    Très vite le contact des autres leur donne la force de quitter le quotidien dans lequel ils se sentent enfermés. Un quotidien qu'ils n'ont qu'à moitié choisi et dont ils ne voient pas le but.
Ils sont jeunes, ils se cherchent, ils ont besoin de rêver en grand. Besoin de sentir que le chemin de vie qu'ils empruntent aux balbutiements de leur vie d'adulte ne sera pas vain, pas dénué de sens et soyons fous, qu'il leur apportera le bonheur.
    En groupe, ils se sentent plus fors, ils décident de ne plus se séparer, de vivre ensemble. En meute. Tous, parties d'une même entité qu'ils sentent résonner au plus profond d'eux-même. Il est plus facile de casser les codes à plusieurs, alors ils le font ensemble, chacun apportant sa petite pierre à l'édifice, se complétant les uns les autres.
    Nous allons les suivre pendant quelques mois. Les voir changer, évoluer, se remettre en question, faire des choix et finalement revenir de dessus de façon différente. Nous allons les voir s'aimer, se battre pour leurs idées, se questionner sur eux-mêmes et sur le sens de ce qu'ils font. Tracer les ébauches des adultes qu'ils souhaitent devenir.
    Oui dans ce livre, les personnages cassent les codes de la société, brisent les règles, passent par dessus les lois. Ils veulent entrainer plus de monde à penser comme eux, à vivre comme eux aussi peut-être. Et bien sûr avec notre regard d'adulte, on se dit que ça ne peut pas fonctionner, que ce ne serait pas possible que tout le monde agisse ainsi, et c'est vrai.
    Mais ce qui est important c'est que cela soit possible, de sortir des normes pendant quelques semaines, mois ou années, afin de mieux savoir ce que l'on quitte, ce que l'on refuse et comment au bout du compte faire de sa vie, une vie dans laquelle on soit en accord avec soi-même. Se trouver soi-même, se changer et ensuite changer les choses. Tant qu'il y aura de petits groupes, qui comme nos sept amis, de battent pour les idées, osent sortir des sentiers battus, osent exprimer des idées différentes, il y aura de l'espoir pour ce monde.
    Il y aura de l'espoir car ils amènent les autres à penser que le monde ne tourne pas rond, que nous n'en sommes pas prisonniers ; ils nous amènent à rêver que d'autres alternatives sont possibles, que d'autres modes de pensées, d'autres modes de vie, qui peuvent paraître insignifiants permettent déjà de changer les choses. Décider d'aller élever des moutons dans la montagne c'est déjà changer le monde. "Soyez le changement que vous voulez pour ce monde".
    Alors oui, dis comme ça on pourrait croire que ce roman cherche à attirer le lecteur dans un monde à la limite de la légalité. Mais rassurez-vous, pas du tout. Marion Brunet sait rappeler les dangers et les sanctions auxquels on s'expose en occupant illégalement un lieu par exemple. Elle mentionne les casiers judiciaires marqués de rouge. Mais elle le fait de façon simple, sans prendre parti. Elle n'encourage personne à ouvrir un squat, mais elle ne dissuade personne non plus. Elle raconte juste la vie de sept copains et ce à quoi ils s'exposent au fil des pages. La seule prise de position que l'on peut percevoir très légèrement c'est quand elle décrit la répression violente dans les manifestations.   Et encore, je ne sais pas si c'est du fait de l'auteur ou le simple fait que de base cela attise un peu de révolte en nous.

    C'est un roman intéressant à lire, qui retrace bien les méandres de ce qui se passent dans la tête des jeunes lorsqu'ils quittent enfin le nid pour vivre leur vie avec le début des études. Ce moment où se confrontent rêves et réalité et ce que l'on fait de tout ça.