vendredi 30 octobre 2015

Les Belles Danses - Marie Desplechin & Jean-Michel Othoniel

Les Belles Danses, de Marie Desplechin & Jean-Michel Othoniel

70 pages
Editions Courtes et Longues
Parution : Juin 2015


4ème de couverture :
    Les plus beaux jardins sont ceux du château de Versailles. C'est ici que Jean-Michel Othoniel a installé ses Belles Danses, dans le bosquet du Théâtre d'Eau redessiné par Louis Benech.
   Des fontaines d'or qui serpentent et virevoltent dans la lumière du soleil.
   Des fontaines magiques.



    Dans ce livre Marie Depleschin nous emmène dans les Jardins de Versailles, à la découverte d'un bosquet et du travail que Jean-Michel Othoniel y a fait pour redonner vie à ce bosquet, détruit plusieurs fois et laissé à sa plus simple expression, une cercle de pelouse, depuis des années.

    Comment raconter le travail d'un artiste ? Son cheminement créatif ?
    Pour Marie Depleschin rien ne semble plus simple.
    Elle commence par remonter le temps et nous livre les premiers souvenirs qu'à l'artiste de cet exceptionnel jardin, alors qu'il est encore enfant. Puis elle nous parle de son rapport aux jardins en général, et son envie d'en faire le décor premier de ses réalisations.
    Puis elle nous parle des jardins de Versailles, de leur histoire, de cet amour si fort d'un roi pour les jardins qui a pu leur donner naissance.
    Puis elle nous parle de ce bosquet abandonné : le Théâtre d'Eau. C'est ce bosquet que le jardinier Louis Benech a envie de faire renaître, non pas à l’identique, mais en le réinventant, pour cela il fait appel à Jean-Michel Othoniel. Tout deux se mettent d'accord pour y implanter des bassins, que l'artiste se chargera de faire vivre en l'agrémentant de fontaines-oeuvres d'art : Les Belles Danses.

    Ce livre est un Beau-Livre, plus qu'un album. C'est un livre à lire et feuilleter en famille. Chaque chapitre tient sur une page et est illustré d'une reproduction pleine page d'un tableau d'époque, d'un dessin de l'artiste, d'un plan, d'une photo actuelle des jardins, d'une photo des ateliers où les fontaines prennent forment.
    Bien sûr ce livre intéressera ceux qui veulent en savoir plus sur ce bosquet mais pas seulement. Il peut être placé dans toutes les mains, car c'est avant-tout le cheminement créatif qui y est décrit. C'est un ouvrage qui pourrait être très intéressant pour les professeurs d'art plastique, pour expliquer aux élèves d'où part une idée et jusqu'où elle peut aboutir. C'est valable pour des projets aussi extraordinaire que celui-ci, mais ça l'est également pour des oeuvres plus modeste.

    On ressort de cette lecture avec un regard différent sur la recherche créative, et surtout il donne envie de créer, ou au moins de rêver à des créations folles et magnifiques.

    C'est un ouvrage vraiment bien conçu et complet : chaque point y est détaillé précisément, de façon simple et en allant à l'essentiel. Pas besoin de trop en dire, toutes les données s'emboîtent parfaitement les unes dans les autres.

    Ce livre m'a enchantée, il m'a fait parcourir en moins de deux heures, plusieurs siècles d'histoire de ces jardins superbes. Il m'a donné envie de retourner me balader dans ces jardins rêvés et conçus par un Roi qui les aimaient plus que tout, et qui ont pu voir le jour grâce à son ami et jardinier Le Nôtre.

   En 1709, le conseiller du roi, Dézalier d'Argenville, vante les fontaines dans son livre Théorie et pratique des jardins : "Ce sont elles qui en sont le principal ornement, qui animent et réveillent les jardins, et pour ainsi dire les font revivre." Mes sculptures seront donc des fontaines que je ferai installer au milieu des bassins.

    Sous son règne, la danse est sortie de la salle de bal pour se montrer sur la scène. Elle est devenue plus spectaculaire, plus aérienne. Les premiers danseurs professionnels ont fait leur apparition. On parle de "la belle danse", qui inflence toutes les cours en Europe. Le roi, qui aime la comédie-ballet plus que tout, a fait de Lully son compositeur préféré.
   C'est à ce roi danseur que je pense en imaginant mes fontaines. Je les appelerai Les Belles Danses.


    Il apparaît, il est présent, sans qu'on le voit tout à fait. C'est ainsi que je travaille depuis des années. Je ramène àa la présence des corps qu'on ne voit pas.

   Je fais glisser vingt-deux mille feuilles d'or dans les perles. Cet or, c'est la signature du Roi Soleil. Il jouera avec la lumière et dispersera sur l'eau des éclats de feu. A quatre siècles de distance, grâce à ces feuilles d'or, je participe à mon tour au rayonnement du règne. De si loi dans le temps, je travaille à ma façon pour sa gloire.

   Ses jardins lui ressemblent : ils sont une école du monde, dans laquelle on se promène en bavardant.

lundi 26 octobre 2015

C'est lundi que lisez-vous ? [66]

"C'est lundi ! Que lisez-vous?" C'est une idée originale créé par Mallou, maintenant coordonnée par Galleane.

On répond comme chaque Lundi à trois petites questions :

1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment?
3. Que vais-je lire ensuite ?

Ce que j'ai lu la semaine passée :

Du 19 au 25 octobre 2015
Une jolie semaine de lecture, avec de la jeunesse, du théâtre et un recueil de nouvelles. Trois genres que j'aime beaucoup et que je savoure quand l'occasion se présente.

http://www.lalecturienne.com/2015/10/mon-amoureux-de-la-lune-agnes-de.html**http://www.lalecturienne.com/2015/10/macadam-jean-paul-didier-laurent.html*http://www.lalecturienne.com/2015/11/peer-gynt-henrik-ibsen.html

- Mon amoureux de la lune, de Agnès de Lestrade & Amandine Laprun
- Macadam, de Jean-Paul Didierlaurent
 - Peer Gynt, de Henrik Ibsen

Ce que je suis en train de lire : 
   
    Je suis assez mitigée sur cette lecture. J'en ai pour le moment lu la moitié, il me manque un déclic qui rende le livre génial. J'attends de voir ce que les prochaines pages me réservent.

- L'été contraire, de Yves Bichet
 Une infirmière, un agent d’entretien, deux retraités, une simplette… Cinq petits héros du quotidien qui refusent de céder à la morosité alors que l’été arrive, qu’il fait de plus en plus chaud, que la canicule menace. Le pays se délite mais eux se découvrent, s’aiment et se confrontent à la manière batailleuse des timides. Loin de s’apitoyer sur leur sort, ils nous guident vers des chemins de traverse où le burlesque côtoie le drame et, peut-être, une nouvelle forme d’utopie. 
 
 Mes prochaines lectures :
Je pense que je vais essayer de me tourner vers une lecture vraiment amusante et divertissante. Affaire à suivre...

dimanche 25 octobre 2015

Mon amoureux de la lune - Agnès de Lestrade & Amandine Laprun

Mon amoureux de la lune, de Agnès de Lestrade & Amandine Laprun

54 pages
Oskar Editeur, Collection Ottakar
Parution : Septembre 2015


4ème de couverture :
Dans la maison de vacances d’à côté, Paola aperçoit une silhouette habillée en cosmonaute. Derrière cette drôle de tenue se cache Léandro. Si le petit garçon est obligé de porter cette combinaison, c’est parce que sa peau ne supporte pas la lumière du jour et encore moins le soleil. La fillette, un brin curieuse, ne se doute pas encore que cette rencontre va bouleverser sa vie... 



    Le livre de la collection Ottakar sont très sympa à lire, car par moment le texte s'échappe dans un dessin, mêlant ainsi le texte à l'image. Pour un jeune lecteur, c'est une façon ludique de commencer à lire tout seul ; de lire un "livre de grand" tout en gardant encore un lien avec les albums qu'il lisait jusque là.

   Dans ce livre nous faisons la connaissance de Paola, petite fille pleine de vie, qui habite au bord de la mère avec ses parents et ses deux petits frères jumeaux.
    Leur maison jouxte une maison de vacances, où les gens se succèdent au fil des saisons. Jusque là, Paola n'y faisait pas vraiment attention, mais ce jour-là, la silhouette habillée de blanc qui descend du véhicule l'interpelle. A-t-elle rêvé ? Aux paroles de ses frères, elle comprend que non.
    Il lui faudra en soir plus, mais ce à quoi elle ne s'attendait pas, c'est que ce ne serait pas elle qui ferait le premier pas...

    J'ai aimé que l'on retrouve dans ce texte toute la franchise et la spontanéité des enfants de cet âge. Ce texte est écrit pour eux, et ils pourront sans peine se retrouver dedans. Paola est curieuse, un peu maladroite, sensible et emportée. Léandro est rêveur, joueur, sensible, taquin.
    Ils ont des rêves de grandeurs, et vivent à fond dans leur rêve, et à leurs yeux ils sont les meilleurs. Ce qu'en pense les adultes, ils s'en moquent pas mal et nous aussi. On est ici dans un rêve d'enfant, dans un monde d'enfant, et les auteurs ont su le transcrire à la perfection sur le papier.

   C'est un livre sur la tolérance, sur le partage. Il souligne aussi le fait que les enfants, ne se jugent pas entre eux. Ils s'effraient parfois de ce qu'ils ne comprennent pas, comme les jumeaux ici, mais qu'ensuite ils ne s'attardent pas sur les différences, pour peu qu'on leur explique. Un copain de jeu est un copain de jeu, peu importe s'il peut ou non faire les mêmes choses que nous, les enfants ont cette merveilleuse capacité d'adaptation que nous les adultes, perdont hélas avec le temps. Cette pensée est d'ailleurs soulignée par une remarque de la maman de Léandro.

   C'est une belle histoire, qui donne envie au jeune lecteur de rêver et de voir sa vie en grand, de s'ouvrir aux autres et de tomber amoureux. Un petit livre que l'on peut lire et relire sans se lasser comme le font souvent les enfants lorsqu'ils commencent à lire.

    - Paola, t'as vu le fantôme ?
Donc je n'avais pas rêvé. Il y avait bien un fantôme dans le quartier et il avait choisi de s'installer pile à côté de chez nous.

   [...] pour finir, on s'est serrées dans les bras l'une de l'autre en disant "recharge".
La recharge à la maison, c'est l'amour. Tous les cinq, on peut toujours compter les uns sur les autres. Quand maman est malade et que papa est en mer (il est pêcheur), j'assure. Quand j'ai un coup de cafard, maman vient s'asseoir sur mon lit et on discute jusqu'à ce que j'ai retrouvé le sourire. Et quand papa et maman ont des soucis (ce qui peut arriver à tout le monde) ils peuvent compter sur les jumeaux pour faire les clowns. Et quand personne ne vas bien, on peut compter les uns sur les autres... pour aller mieux. Une vraie famille, quoi !


   Jusqu'ici, j'évitais de penser au jour de son départ ; et ce jour approchait à grands pas. J'aurais voulu retenir le temps entre mes doigts, casser toutes les horloges de la planète, détruire les aiguilles qui tournaient et qu'il reste ici avec moi.


vendredi 23 octobre 2015

A l'encre bleue - Nadine Thirault

A l'encre bleue, de Nadine Thirault

302 pages
Editions De Borée
Parution : Septembre 2015

4ème de couverture :
Le « Phénomène des Chalous », c'est elle, Reine Bellefontaine, la nouvelle institutrice du village. Un phénomène car, en dépit d'être jeune et inexpérimentée, d'être nommée dans une petite commune au cœur des montagnes où l'école n'est plus qu'un bâtiment tombant en ruine sans matériel ni livres, Reine est têtue, fantasque et déterminée. Ses erreurs de débutante et les embûches causées par certaines personnes malintentionnées seront vite dépassées grâce à son ingéniosité et à son enthousiasme, au point de s'attirer finalement la sympathie des élèves et de leurs parents et de devenir une personnalité influente au sein du village..
 

    Je prends enfin le temps de vous parler de ce livre que j'ai lu fin septembre et que j'ai adoré. Il est loin pour moi le temps où je prenais le chemin de l'école, à chaque rentrée une petite pointe de nostalgie s'installe en croisant les rayons chargés de cahiers neufs.
   Ce livre c'était l'occasion de se re-glisser pendant quelques pages sur les bancs de l'école. Mais l'école d'une époque que je n'ai pas connue, celle que peut-être mes grand-parents ont connue. En tout cas je leur souhaite, car ça avait l'air drôlement chouette l'école en ce temps là.

    L'histoire nous emmène, quelque part dans un petit village du Forez. Le Forez pour ceux qui ne le savent pas, est un massif montagneux entre Clermont-Ferrand et Lyon (pour faire simple) L'été il y fait frais, et les hivers y sont rudes. Aujourd'hui encore, la vie des habitants de cette région est soumise aux contraintes de la météo.
    C'est dans ces contrées un peu sauvage, que débarde Reine Bellefontaine, une toute jeune femme qui va ici faire ses premières armes d'institutrice. Elle a tout juste la vingtaine et le monde à conquérir. C'est un petit bout de femme courageux et tenace, elle a des idées et compte bien les mettre en pratique.
     Dans le village principal, il y a deux écoles : une privée gérée par des Soeurs et une public tenue par un couple d'instituteur vieillissant. Elle, elle aura la charge de la petite école des Chalous, un lieu-dit perdu un peu plus haut sur les hauteurs. Lorsqu'elle y arrive c'est la surprise : l'école est à moitié en ruine, sent le renfermé et est envahie par la poussière.
    Mais Reine ne sera pas seule, les habitants du bourg, trop contents d'avoir une nouvelle institutrice, se  rassemblent pour lui donner un coup de main, l'installer confortablement et vérifier qu'elle ne manque de rien. Petit à petit, Reine se fait à la vie du bourg, têtue elle ne lâche rien quand à la nécessité d'aller à l'école pour ses élèves, et s'intègre petit à petit à la communauté, en devenant même avec le temps un des piliers.

    Il est très amusant de suivre le parcours de cette femme, jeune et réservée et au premier abord, elle saura se faire aimer de tous, tout en s'imposant. Reine est typiquement le genre de personne qui ont amené de la modernité dans les bourgs les plus reculés de France.
    Jeune femme libre, elle n'a pas peur de circuler sur les routes de nuit en solex, et bien que ce soit rare pour une femme à l'époque, elle n'hésitera pas à passer son permis de conduire, cultivant ainsi davantage sa liberté.
    Mais si Reine a pu réussir à s'intégrer, c'est parce qu'elle a été soutenue, et que tous lui ont tendu la main, comme cela se faisait si spontanément à l'époque. Si l'histoire se déroulait de nos jours, Reine n'aurait pu arriver à un tel résultat, il est probable qu'elle aurait tourné les talons à la première occasion venue.

    A travers ce livre, c'est le monde de l'éducation qui est passé en revue. Reine insiste sur l'importance pour ces élèves de suivre la classe, même si jamais ils ne quitteront la ferme familiale. Les deux guerres étant passé par-là, Reine sait que le progrès est en marche, et qu'il est vital de donner aux jeunes la possibilité de le comprendre et l'accepter, et pour cela il faut étudier, et passé son certificat d'études. Un jour peut-être, ils n'auront d'autres choix que de travailler à la ville, ou à l'usine, il leur faudra peut-être négocié des contrats,... elle veut qu'ils soient à même de le faire eux-mêmes sans dépendre de tierces personnes, qu'ils puissent prendre des décisions réfléchies en toute connaissance de causes.
    Reine doit aussi trouver une façon d'enseigner qui soit pertinente et complète, qui puisse intéresser tous ces élèves sans les ennuyer. C'est le début des méthodes modernes d'éducation, mal vue par le Ministère de l'Education, très rigide. Reine se rend compte qu'elle suit sans le savoir ce mouvement des techniques nouvelles d'enseignements, ce qui va l'intriguer au plus haut point.

   J'ai aimé lire ce livre. J'ai aimé la plume de l'auteur qui nous entraine en toute simplicité dans ces montagnes, non sans une pointe d'humour. J'ai aimé le fait que cette histoire ait pour une base une histoire vraie. J'ai aimé ce personnage fort et doux à la fois, qu'est Reine Bellefontaine, j'ai aimé tous les habitants du village avec leurs caractères et leurs différences. J'ai aimé ce moment de lecture qui enchante l'esprit et nous fait voyager dans le temps.

    C'est une lecture que je conseille à tous, un vrai moment de dépaysement et de rêves ; une petite bulle de bonheur.

    Et c'est un amusement teinté d'admiration qu'on vit la maîtresse des Chalous traverser Saint-Savieu et gagner la montagne sur son vélo, le visage presque dissimulé par son glob, si boen qu'on aurait cru le monde partir à la conquête des Chalous.

    Si la maladie ne l'avait pas emporté si tôt, il aurait peut-être transmis à sa fille le bon sens qui lui faisait défaut. Sa mère, qui avait élevé ses filles seules, était persuadée, quant à elle, qu'il n'y avait de connaissances que livresques et avait toujours encouragé ses filles à bien travailler à l'école. Sans doute se trompait-elle. On pouvait apprendre de tous et partout. 

    Grâce à Madeleine Marcoux, Reine s'était affranchie des ses dernières retenues/ Elle entrevoyait ce qui était déjà bien ancré en elle mais contre lequel elle luttait. Être adulte ne voulait pas dire être triste, grave et angoissé. Il fallait garder de l'enfance ce qui nous permettait de demeurer légers et libres.

jeudi 22 octobre 2015

Macadam - Jean-Paul Didier Laurent

Macadam, Jean-Paul Didier Laurent

160 pages
Edition Au Diable Vauvert
Parution : Septembre 2015


4ème de couverture :
Pour tromper l’ennui lors des confessions, un prêtre s’adonne à un penchant secret. Une jeune femme trouve l’amour aux caisses d’un péage. Pendant la guerre, un bouleau blanc sauve un soldat. Un vieux graphologue se met en quête de l’écriture la plus noire. Une fois l’an, une dame pipi déverrouille la cabine numéro huit…
Primées à travers toute la France, onze nouvelles qui ont révélé l'auteur du Liseur du 6h27 et son univers à la fois noir, drôle, poétique et généreux.


    La nouvelle est un genre que j'aime de plus en plus, c'est un genre exigeant. Si le fait que le récit soit court semble faciliter l'écriture il n'en est rien. Il faut une idée complexe et riche, et un talent certain pour la développer au travers de seulement quelques pages ou quelques lignes. Il ne faut pas trop en faire ni trop en dire, mais il faut en raconter assez au lecteur pour qu'il puisse s'y retrouver et plonger dans l'histoire. Il faut savoir se contenter de l'essentiel, aller à la simplicité. Rare sont les gens qui s'essayent à la nouvelle, le font avec brio. Mais il faut bien le reconnaître Jean-Paul Didierlaurent fait parti de ceux-là.
    Tous ses textes sont bien construits, il semble au départ partir dans une direction assez évasive, et quelques lignes plus tard, il nous harponne et nous plonge tout d'un coup au coeur du récit. Il sait rendre chacun de ses personnages consistants, leur donner une existence réaliste et complète en seulement quelques mots.

    J'avais glissé ce recueil dans mon sac lors d'un voyage en bus, me disant que j'en profiterait pour lire une nouvelle au passage. J'en ai bien lu une, mais je n'ai pu m'arrêter là. J'en ai enchaînées plusieurs, les unes à la suite des autres, me régalant à chaque fois. J'étais tiraillée entre ma lecture et le fait que j'avais tout de même des choses à faire. Ce qui m'a sauvée, ce sont les nouvelles du milieu du recueil, qui deviennent plus noires, plus dérangeantes, passant ainsi dans des styles que je n'apprécie pas vraiment ; la pause est apparue comme nécessaire.
   Lorsque j'ai repris le livre le soir, j'avais ce secret espoir que l'auteur n'allait pas continuer de nous emmener vers les profondeurs de la noirceur de l'âme humaine. Heureusement, non, le recueil se termine sur une jolie nouvelle pleine de poésie, qui laisse au lecteur un sourire dans le coeur.

    J'avoue avoir été très admirative lors de ma lecteur, Jean-Paul Didierlaurent développe dans ce recueil des idées toutes très différentes les unes des autres. Certes ces nouvelles n'ont pas été écrites ensembles, mais au cours d'une longue période de temps, elles n'en restent pas moins étonnantes.
   Chaque nouvelle part sur une idée nouvelle, inédite, voir incongrue, il faut une sacré imagination pour écrire de tels textes. Et chacune de ses idées, pourtant surprenantes nous pourrait simple voir même logique parfois ; comme des morceaux de quotidien.

    J'ai vraiment apprécié ce recueil. Je relirai avec plaisir certaines des nouvelles qu'il contient, mais surtout je vais suivre les prochaines publications de cet auteur, pour savoir si ces prochains textes seront à la hauteur de ceux-ci, les premiers qu'il a proposé à la lecture, lors de concours.
    Même si vous n'êtes pas des adeptes du genre qu'est la nouvelle, je vous recommande tout de même ce recueil qui pourrait bien vous faire changer d'avis sur la question.
    C'est un livre que l'on savoure, comme on savoure une boîte de chocolats, parfum après parfum.

    Et cette terrible impression de ne plus rien savoir. Une première trompette n'a pas droit à l'erreur. Elle peut bien un temps faire illusion au milieu du tintamarre ambiant, se planquer derrière les trombones, les clarinettes, les saxophones et les percussions mais survient toujours ce moment où on lui dmeande de la ramener haut et fort.

   Des êtres déjà en partance, errant sur le quai dans l'attente de ce foutu départ qui tarde à venir. J'ai regardé la chaise vide de Marcel Garnier avec envie.

   Lui qui ne parlait jamais avait eu en cet instant une envie irrésistible de hurler. Hurler pour leur dire que le temps ne valait vraiment pas la peine qu'on se batte pour lui, qu'il ne fallait pas laisser la haine prendre le dessus, qu'après il serait trop tard.

mercredi 21 octobre 2015

Au bord de la mer violette - Alain Jaubert

Au bord de la mer violette, de Alain Jaubert

311 pages
Editions Gallimard, Collection Folio
Parution : juin 2015


4ème de couverture :
    Un soir de l’été 1875, deux très jeunes gens, un Français et un Polonais, se rencontrent sur le Vieux-Port de Marseille au temps de sa splendeur. Ils sont profondément marqués par l'Odyssée, par Victor Hugo, par Jules Verne et surtout par Baudelaire. Ils rêvent d’aventures, de mers lointaines, de déserts ou de tempêtes, de peuples sauvages…
    L’un deviendra un célèbre poète français, connaîtra l’exil, l’errance, avant de revenir mourir dans la cité phocéenne. L’autre, marin pendant vingt ans, se métamorphosera en l’un des plus grands romanciers britanniques du XXe siècle. Leurs vies offrent de troublants parallèles, au cœur d’une Histoire mouvementée, de la Commune à la Grande Guerre. Leurs destins croisés composent un vrai roman d’aventures et d’inquiétude. Au lecteur de deviner les noms de ces deux personnages. 


     Lorsque j'ai eu ce livre entre les mains, j'avais vraiment très envie de le lire. La quatrième de couverture me semblait très prometteuse.
    La première chose qui m'a surprise en feuilletant le livre : il n'y a pas de chapitre. Pas l'ombre d'un seul petit chapitre, ou d'une page sautée. Le texte est dense et écrit en tout petit. Voilà qui est intriguant au premier abord.
    C'est un livre que je pensais dévorer, me laissant porter par les mots de l'auteur à travers les rues de Marseille et des destins des deux jeunes auteurs que nous allions rencontrer. Je me suis vite rendue compte, que pas du tout. Si l'auteur nous emmène bien avec lui à travers une visite poussée de la ville Méditerranéenne, il prend un grand plaisir à flâner et nous raconter par le menu tout ce qui s'y trouve, sollicitant ainsi à chaque instant notre imagination et nous retardant sans cesse dans l'avancée de la lecture.
    Qu'on se le dise une fois pour toute, c'est un livre qui demande du temps, car sa lecture est lente, même pour un lecteur habitué à dévorer les pages.
    Mais si le temps s'égraine doucement au fil des pages, on ne s'ennuie pas durant cette lecture, car comme je le disais plus haut, l'auteur sollicite sans cesse notre imagination, et nous abreuve de milliers de petites informations.

    Dans ce livre nous rencontrons d'abord le jeune Konrad, qui s'apprête dès le lendemain à reprendre la mer sur un navire de commerce. Il a hâte de repartir, mais il s'accorde une dernière soirée de loisir à la terrasse de son café préféré, pour profiter encore de la ville. C'est ainsi qu'il rencontre le jeune Arthur qui vient de traverser la moitié de l'Europe à pied, fixé sur un seul objectif : la Méditerranée.
    S'engage entre les deux hommes une longue discussion, sur la mer, la vie, leur existence, ce qu'ils pourraient et voudraient faire. Ils parleront tant qu'ils verront ensemble le soleil se lever.
Ils se sépareront sans plus de manière qu'il n'y en a eu dans leur rencontre.
    A ce moment là, nous faisons un grand saut dans le temps, pour retrouver Arthur, et seulement Arthur dans la seconde partie, qui est revenu à Marseille. On le retrouve dans sa chambre à l'hôpital, où il oscille entre délire et lucidité. L'auteur mêle récit de la vie d'Arthur et ses pensées du moment. Le tout donnant un texte assez confus, comme l'est l'esprit du poète à ce moment là.
   Dans la troisième partie, Alain Jaubert, usera du même procédé avec Konrad cette fois. Mais si Konrad est vieillissant il a encore toute sa tête. Cette partie est donc plus claire, rédigée presque comme le carnet de souvenirs d'un homme qui revenant sur les lieux où tout a commencé, se remémore son passé, année après année.

    J'avoue ne pas avoir apprécié toute la partie sur Arthur, sa lecture en a été longue et douloureuse, comme l'est la vie de l'homme que l'on nous raconte. Il m'a fallu du courage et de la volonté pour achever de la lire, comme il lui en a fallu pour rester en vie jour après jour. C'est avec soulagement que j'ai plongé dans les souvenirs plus clairs et légers de Konrad, moins tourmentés.
    Je pense que l'auteur a travers ces mots a essayé de rendre au plus juste les sentiments de ses deux protagonistes, n'épargnant pas, ainsi, son lecteur. 

    Ce texte est un texte compliqué, Alain Jaubert use abondamment du vocabulaire spécifique lié à la marine, mais on n'en attendait pas moins d'un ancien marin. Cela pourra en bloquer et gêner certains, mais on peut très bien passer outre, et laisser son imagination vagabonder et imaginer ce que peut être telle ou telle voile, après tout dans notre tête nous sommes libres !
    Ce n'est pas un roman d'action, il ne s'y passe pour ainsi dire rien. On nous rapporte des faits, des souvenirs : pas de suspens, pas d'attente, juste le moment présent ou le passé.
    L'auteur use et abuse des descriptions, à chaque page, comme pour ancrer dans les mémoires ce qu'était Marseille ou la vie des deux hommes à cette époque. Si vous n'êtes pas amateur de longues descriptions : passez votre chemin.

    Ce livre m'a surprise, je ne m'attendais pas à ce genre de texte, je l'ai vécu comme une sorte de voyage ou d'expérience. Mais pour être honnête je ne pense pas le relire un jour. 
    Pour les fans de Rimbaud et de Conrad, c'est une façon différente de voir leur vie, qui pourraient vous intéressez.
    Le mieux étant que vous vous fassiez une idée par vous-même.

    Il a enfin trouvé sa voie, lui, l'orphelin, l’exilé. Etre loin, disparu, oublié, ignoré, sans attaches et, si seulement c'était possible sans souvenirs. Il a trouvé son bout du monde, sa cachette absolue. Il n'est plus rien, il aime la saoulerie vertigineuse de la foule, cet anonymat définitif dans ces tourbillons de gens, cet immense brassage de classes sociales, de costumes pittoresque, de la redingote au burnous, du gibus au turban, les groupes les plus divers de tous ces quartiers, des villages des environs, des centaines de navires en escale, des foules se déversant, se mélangeant, repartant, revenant, se métamorphosant sans cesse, chaque jour, chaque heure. Et lui, perdu au milieu de tous, chantonnant, enfin joyeux, ivre de son invisibilité. Personne ne le connaît, il ne connaît personne, il est libre ... La ville lui appartient.

   Il pense à Thérèse, à Marseille, à la Pologne, il a l'impression d'être embarqué dans une histoire qui le tiens prisonnier, qu'il ne peut maîtriser... A la fois heureux et malheureux. Sa vie est devant lui mais le poids du passé est étrangement lourd.

   Et puis autant sa vie lui paraissait lors de chaque crise comme un tissu décousu d'occasions ratées, de fuites inutiles, d'errances sans but, de rencontres sans lendemain, autant l'écriture avait redonné une cohérence à ces morceaux de vie. Ses personnages et ses paysages recomposés étaient le ciment de cette existence parallèle. Il pensait qu'il avait réussi à vaincre en partie cette cruauté et cette absurde indifférence de la nature en fabriquant ces petites machines mystérieuses et trépidantes, les livres.

mardi 20 octobre 2015

Sur la scène intérieure - Marcel Cohen

Sur la scène intérieure, de Marcel Cohen

137 pages
Editions Gallimard, Collection Folio
Parution : mai 2015

4ème de couverture :
«Je sais bien que les objets familiers sont synonymes d’aveuglement : nous ne les regardons plus et ils ne disent que la force de l'habitude. Mais le coquetier, dans le placard à vaisselle, et ne serait-ce que de façon très épisodique, a eu bien des occasions de susciter quelques bouffées de tendresse à l’égard de Marie. Je me dis qu’on ne conserve pas un objet aussi modeste, et aussi défraîchi, pendant soixante-dix ans sans de sérieuses raisons.»




    Ce livre me faisait super envie depuis que je l'ai reçu. Rien qu'à lire la quatrième de couverture, il promettait de m'emmener loin, dans un autre temps, dans des souvenirs plein d'amour.
   Les inondations qui ont eu lieu dans le sud à la fin de l'été, ont repoussé sa lecture, car il en revenu détrempé. Heureusement, les livre Folio sont de bonne qualité : l'encre n'a pas déteint et le papier ne s'est pas désagrégé. Ouf !

    Ce livre est sous-titré : faits, et cela lui va très bien. En effet à travers ce texte, Marcel Cohen se lance à la recherche de sa famille disparue dans les camps de concentration lors de la seconde guerre mondiale. Il n'avait que quelques années lors du drame, et ce qui l'a sauvé ce jour-là, c'était d'être au parc avec la bonne. La bonne étant bretonne et catholique, elle n'arborait pas l'étoile jaune, et lui était trop jeune pour devoir la porter.
   Mais il se souvient ; il se souvient de petits éléments de la vie quotidienne, de petites anecdotes sur ses parents, de ses grand-parents, de parfums, d'objets et il nous les livre ici.
    Comme il le dit lui-même dans la préface , il n'a pas assez de souvenirs pour en faire tout un livre, et ce qu'il a pu apprendre sur sa famille par de tierces personnes, n'est pas suffisant non plus.
   Alors il a trouvé un compromis, il réalise des portraits, alternant les descriptions, les anecdotes rapportées par d'autres, et ses souvenirs. Tant et si bien, qu'au fil des portraits, c'est toute la vie de la famille qui se déroule devant nous, plus claire et passionnante que si il en avait fait un simple roman. Les liens familiaux en ressortent plus grands, renforcés par ces croisements à distance au travers des pages. C'est une famille soudée et pleine d'amour que nous présente Marcel Cohen, une famille dont il est fier de faire partie.
    Pour nous rendre le texte plus vivant et plus personnel, l'auteur y a joint des photos de chacun des membres de la famille. Ainsi que les photos des objets qui ont une symbolique particulière dans le texte. Ces annexes nous rendent le texte plus intime, et les personnages plus familiers.

   J'ai beaucoup aimé la plume de Marcel Cohen, la douceur qui se dégage de ses portraits. Il n'y a aucune haine qui transperce ce récit, non, il ne fait que déborder d'amour. Il n'y a pas de rancœur non plus, juste des faits et des souvenirs.
    Pour rédiger ce récit, il lui a fallu du temps, du temps pour se souvenir, puis du temps pour comprendre. Toute cette histoire a eu lieu pendant son enfance, lorsque l'innocence est encore là. Il y a des points qui sont restés marqués dans sa mémoire simplement parce qu'il ne les comprenait pas. Aujourd'hui, l'adulte qu'il est devenu a pu comprendre les choses, et ses souvenirs n'en ressortent que plus beau et plus débordants d'amour que jamais.

   J'ai trouvé amusant de lire ce livre peu de temps après Mr Gwyn, de Alessandro Baricco, car comme Mr Gwyn, Marcel Cohen se livre lui aussi à l'exercice du portrait à travers les mots, s'appuyant non pas sur le silence et la nudité de son sujet, mais sur son silence et son absence ; deux façons de faire ressortir l'essence d'un être, au travers des yeux de l'artiste.

   C'est un livre que je vous conseille, c'est un très beau portait de famille, qui nous apprend plein de petites choses, qui peuvent paraître anodines vu comme ça, sur le quotidien des familles juives pendant la seconde guerre mondiale. C'est un livre qui malgré le sujet triste, vous laisse avec une agréable sensation de bien être, comme si sa lecture avait redonné le sourire à l'enfant qu'était l'auteur dans les années 40 et que vous lui retourniez son sourire. C'est un très beau moment de partage, comme il est rarement donné d'en lire.

    Dans ces établissements, on ne faisait cours ni pendant les fêtes chrétiennes ni pendant les fêtes juives ou musulmanes. L'un de mes oncles m'expliquait que les élèves s'amusaient à compter et recompter les jours de congé pour savoir quelle religion valait le plus de vacances aux deux autres confessions. Le revers était des grandes vacances très courtes et des journées de travail très longues.

    Pour apprécier l'attachement des Juifs de Turquie à la France (ce fut vrai dans tout l'ex-Empire ottoman), il faut une remarque supplémentaire : la France, à leurs yeux, n'était pas seulement le pays de Racine, celui des Lumières et de la Révolution de 1789 accordant, la première en Europe, les droits civiques aux Juifs. Paradoxalement, c'était aussi la France de l'affaire Dreyfus.
   - Un obscur capitaine juif est accusé d'espionnage, estimait-on sur les rives du Bosphore. Personne ne sait s'il est coupable et la France est au bord de la guerre civile ! Presque partout ailleurs dans le monde, le capitaine aurait été fusillé après un procés sommaire, ou pas de procès du tout, et personne n'aurait entendu parler de lui.


   Mercado fut indigné qu'on ait pu retirer une enfant de l'école à quatorze ans pour en faire une bonne à tout faire chez lui. La tradition juive exige que l'on étudie, et que l'on aide ceux qui n'ont aucun moyen de le faire. la jeune bonne s'appelait Annette. Bretonne, elle venait tout droit de sa campagne et c'était son premier emploi. Mercado la fit immédiatement réinscrire à l'école. Sans doute Annette fut-elle la seule bonne à être logée, nourrie et payée pour être absente la majeure partie du jour. Ce qui ne l'empêchait nullement d'aider Sultana avant de se mettre à ses devoirs, comme l'aurait fait n'importe quelle fille de la famille.


lundi 19 octobre 2015

C'est lundi que lisez-vous ? [65]

"C'est lundi ! Que lisez-vous?" C'est une idée originale créé par Mallou, maintenant coordonnée par Galleane.

On répond comme chaque Lundi à trois petites questions :

1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment?
3. Que vais-je lire ensuite ?

Ce que j'ai lu la semaine passée :

Du 12 au 18 octobre 2015
  Une semaine pleine de délicieuses lectures. Des lectures qui me faisaient envie depuis un moment, et que j'ai pu lire dans le cadre parfait pour en profiter au mieux.

**
****- Le métier de vivant, de François Saintonge
- Camille, mon envolée, de Sophie Daull
 - Sur la scène intérieure (faits), de Marcel Cohen
Ce que je suis en train de lire : 
   
    Je me suis enfin plongée dans cette pièce de théâtre, j'espérais pour voir la lire d'une seule traite, malheureusement la fatigue en a décidé autrement... Je la finirai tout à l'heure.

- Peer Gynt, de Henrik Ibsen
    Ce jeune homme, qu'Ibsen emprunte à des contes norvégiens, plein d'imagination et de rêves, nous le trouvons oisif dans sa Norvège natale, racontant des contes à dormir debout, courant après les filles, ayant le coup de foudre pour la pieuse et sage Solveig, rencontrant des êtres fantastiques (les trolls, ce grand Courbe qui lui conseille de «faire le détour»), quittant son pays natal, faisant du trafic et des affaires douteuses, traversant l'Afrique d'Ouest en Est, jouant le prophète pour une fille du désert et côtoyant la folie, avant de revenir dans sa Norvège par tempête et naufrage, sans avoir rien acquis, et nous le retrouvons vieux, aux prises avec des créatures métaphysiques lui renvoyant la question de sa vie : a-t-il été soi-même ? Ni héros ni pécheur, mais, en un sens, tellement moderne : quelconque ! Toute sa vie, il a «fait le détour» : le fera-t-il encore lorsqu'il retrouve la femme qui l'attend ? Mais il reste de lui seulement ce poème.

 
 Mes prochaines lectures :
Un petit peu de jeunesse, parce que ça fait longtemps que je n'en ai pas lue et pour le reste je choisirai en fonction de mon humeur du jour. Mais une chose est sûre : ma Pal est remplie de livres que j'ai hâte de dévorer !

jeudi 15 octobre 2015

Mr Gwyn - Alessandro Baricco

Mr Gwyn, de Alessandro Baricco

215 pages
Editions Gallimard, Collection Folio
Parution : Juin 2015
Traduit de l'italien par Lise Caillat

4ème de couverture :
- Je crois que j’aimerais être copiste.
- Cela consiste à copier des choses, non ? 
- Probablement. 
- Mais pas des actes notariés ou des chiffres, je vous prie. 
- J’essaierai d’éviter. 
- Essayez de voir si vous ne pouvez pas par exemple copier les gens. 
- Oui.
- Tels qu’ils sont. 
- Oui. 
- Vous y arriverez très bien.
    Qu’est-ce qu’un artiste ? Alessandro Baricco nous invite à suivre le parcours de Mr Gwyn, entre badinage et aventures cocasses. Un roman intrigant et brillant. 

 
   Mr Gwyn n'est pas un homme comme les autres et il va nous le prouver tout au long de ce roman. Mr Gwyn est un écrivain anglais, qui a une jolie réputation et une jolie petite bibliographie. Mr Gwyn aurait tout pour être heureux, alors ? Sûrement, si Mr Gwyn était quelqu'un de normal.
Mr Gwyn est anglais et n'aime pas avoir du succès, ou plutôt si, il aime ça et l'apprécie jusqu'à un certain seuil. Et ce seuil il semblerait qu'il soit franchi, comme en témoigne cet article qu'il fait paraître dans le journal The Guardian, avec lequel il collabore régulièrement. Dans cet article, Mr Gwyn s'engage à ne plus publier dans ce journal, mais également à ne plus écrire ou publier de romans. Pour son éditeur et ami, c'est un coup dur.
    Mais que va alors pouvoir faire cet écrivain à présent au chômage ? Comment vivre sans les mots ? Sans la discipline rude et contraignante de l'écriture, sans payer son tribut à la page de papier blanche ? Ce que Mr Gwyn pensait être facile, ne le serait finalement pas tant que ça.
    Si retomber dans l'anonymat lui plait, le désoeuvrement n'est pas à son goût... alors il laisse son imagination vagabonder, jusqu'à trouver une idée, l'Idée, avec un grand I. Une idée nouvelle et révolutionnaire, qui va changer sa vie, révolutionner l'écriture et peut-être même la vie de quelques personnes.
    Mr Gwyn est têtu et tenace, il ne lâche pas son idée, il la travaille, la peaufine, l'embellit, devant l'incompréhension la plus totale de son agent et ami Tom. Comment un homme de raison, qui navigue avec tant d'aisance dans le monde littéraire, qui connait le talent de Mr Gwyn pourrait-il cautionner ce projet ? Comment pourrait-il seulement le comprendre ? A défaut de le soutenir, il reste là en ami attentif, attendant de voir ce que tout cela va donner. Il est comme nous, lecteurs, à attendre de voir ce qui va se passer.

   Dans ce livre Alessandra Baricco réalise un vrai tour de force, il nous donne à rêver une communion, un lien étroit entre la peinture et l'écriture ; il invente un nouvel art. Il maîtrise les deux sujets, en connait les cheminements créatifs, ce qui lui permet de les entremêler et les fusionner dans la plus grande simplicité, nous entrainant dans ce projet fou. Tout nous devient évident, naturel, comme une simple visite d'atelier. Le cheminement créatif de Mr gwyn, tout en nous échappant nous semble évident ; jamais nous ne doutons de lui, du résultat...
    Et pourtant nous ne savons rien du résultat, rien ne nous est donné à lire de celui-ci. Alessandro Baricco fait ainsi de nous la pièce maîtresse du processus créatif, car chacun imagine à sa façon les portraits ainsi réalisés. Nous sommes libres d'en imaginer les grandes lignes, tout comme les détails, la forme, les tournures et les couleurs. Il titille notre imagination et notre créativité, et se faisant, nous invite à leur confiance, voir à s'y abandonner.

   La recherche de soi, est une quête à la mode, comme si dans ce monde, l'homme se perdait, trop ?, facilement. Ce mal être des gens, Alessandra Baricco l'a bien senti, alors c'est la mission qu'il donne à son personnage : aider les autres à se trouver, tels qu'ils sont au plus profonds d'eux-mêmes, sans masque, dans la plus simple expression de leur corps et de leur être. Car dévêtu, sans le regard des autres, on tombe le masque, on se laisse aller à sa vraie nature ; seulement, dans ces moments-là, personne n'est là pour le voir, le dire, l'écrire, le vivre.
    Au delà du roman, c'est un message d'espoir, des ébauches de pistes à suivre pour mieux se connaître, pour apprécier les autres au mieux, à voir à travers le miroir de la société. Une invitation à faire tomber les masques.

    J'aime beaucoup l'écriture d'Alessandro Baricco, son style est unique, à la fois vague et précis, toujours percutant, ouvrant sans cesse une porte vers l'imagination avec ces dits non-dits. A travers ses textes, il glisse de petites réflexions pertinentes, percutantes ; il soulève des questions auxquelles il nous laisse le soin de répondre. Il ne se fait que guide à travers une histoire, laissant au lecteur la possibilité d'y trouver ce qu'il voudra et de s'y trouver lui-même.

   Il faut s'abandonner à ce livre, faire confiance à l'auteur, ne pas réfléchir, lire encore et encore, jusqu'au bout, car il ne peut il y avoir de réponse qu'après la dernière page, après quelques jours, après quelques semaines.
   C'est un livre dont on ne ressort pas indifférent, un livre que l'on peut lire et relire, qui donne envie de voir le monde différemment, un livre intemporel qui je l'espère marquera le monde littéraire d'aujourd'hui et de demain.

    A l'âge de quarante-trois ans, toutefois, Jasper Gwyn écrivit pour The Guardian un article dans lequel il énumérait cinquante-deux choses qu'à compter de ce jour il ne ferait jamais plus. Et la dernière était d'écrire des livres.
Sa brillante carrière était déjà finie.

    De retour à Londres, Jasper Gwyn passa ses premières journées à marcher dans les rues de la ville de façon prolongée et obsessionnelle, avec la délicieuse conviction d'être devenu invisible. Comme il avait cessé d'écrire, il avait cessé dans son esprit d'être un personnage public - il n'y avait plus de raison que les gens le remarquent maintenant qu'il était redevenu un quidam. Il se mit à s'habiller sans réfléchir, et recommença à faire milles petites choses sans se soucier d'être présentable au cas où, à l'improviste, un lecteur le reconnaîtrait. Sa position au comptoir du pub, par exemple. Prendre le bus sans billet. Manger seul au McDonald's. De temps en temps quelqu'un le reconnaissait quand même, alors il niait qui il était.
  
   Toutefois au fil des jours, il commença à sentir peser sur ses épaules une forme singulière de malaise qu'il peina à comprendre au début, et qu'il apprit à identifier seulement au bout de quelques temps : même s'il était ennuyeux de l'admettre, le geste de l'écriture lui manquait, et avec lui l'effort quotidien pour mettre en ordre ses pensées sous la forme rectiligne d'une phrase. Il ne s'y attendait pas, et cela le fit réfléchir. C'était comme une petite démangeaison qui survenait chaque jour et promettait d'empirer.

   Il se rendait cimpte du caractère absurde des prémices, mais c'était justement cela qui lui plaisait, dans l'idée que si on retirait à l'écriture la finalité du roman, quelque chose se produirait, un instinct de survie, un sursaut, quelque chose.



mercredi 7 octobre 2015

Plage, disputes et fan-attitude - Julie Forgeron

Le trio infernal, T2 : Plage, disputes et fan-attitude, de Julie Forgeron

98 pages sur ma liseuse
Editions Laska

Parution : Août 2015
Livre électronique

Présentation de l'éditeur :
    Sophia part en vacances à la Grande-Motte avec ses deux meilleurs amis, Estée et Paul. Dès leur arrivée, la cohabitation s’avère compliquée : Paul est trop maniaque de l’avis des deux filles, et celles-ci se crêpent le chignon en plein supermarché.
    Côté cœur, Estée est déterminée à rester seule, tandis que Paul a rapidement repéré un jeune maître-nageur qui lui plaît. Quant à Sophia, elle continue de leur cacher les récentes évolutions de sa vie sentimentale. Mais, lorsqu’elle reçoit un appel surprise d’Antton, elle se retrouve au pied du mur…

    Je vous retrouve aujourd'hui pour vous parler de l'épisode 2 du Trio infernal. Vous pouvez retrouver ma chronique du premier volet ici : Beaux Gosses, Histoire-Géo et Fan-Attitude.

   Comme pour le premier tome, il s'agit ici d'un roman très court, ou d'une nouvelle très longue. Mais nous quittons Nîmes pour partir en vacances à la Grande-Motte : nouveau décor, nouvelle façon de vivre pour nos trois amis, et aussi changement de style d'écriture pour l'auteur. J'ignore pourquoi ce changement ; était-il nécessaire ? J'avoue avoir un peu déploré cette baisse de niveau. J'aurais aimé trouvé un second tome à la hauteur du premier sur le plan littéraire. Etait-ce un choix voulu, pour marquer le relâchement des trois amis en vacances ? En tout cas si dans l'idée cela aurait pu fonctionner, ce n'est hélas pas le cas sur le papier. Dommage.

    Nous retrouvons notre trio assez fidèle à lui-même, toujours haut en couleurs. Mais là aussi j'ai eu l'impression de les voir rajeunir un grand coup, surtout les deux filles (Paul ne me paraissait pas très mature déjà dans le tome 1). Ce relâchement des personnages, permet de mieux faire coller la relation Sohia/Antton, mais me laisse perplexe quand à son métier de professeur. Il y a là aussi quelque chose qui ne fonctionne pas.

   Cela me donne l'impression, que les deux tomes ont été écrits indépendemment l'un de l'autre, avec des personnages semblables, et qu'il a été décidé de les fusionner en une seule série. J'attends avec beaucoup de curiosité ce que va donner la suite.

    Cette histoire peut par contre se lire seule car c'est une entité à par entière. Si vous avez bien suivi, ce que je lui reproche ce n'est pas sa qualité propre, mais le trop grand écart avec le premier tome et la pertinence d'en faire une seule et même série., bref.

   Donc mis à part cela, j'ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de ce récit. Il sent bon le monoï et les vacances à la place, il est le type même de livre à glisser sur sa liseuse avant de partir au soleil, ou à dévorer en cas de nostalgie des vacances. Il se lit vite, un après-midi à la plage semble le lieu parfait pour en profiter.

   J'ai bien aimé les peurs et les interrogations qu'a donné l'auteure à Antton, et cette réflexion sur le trouble que peut semer la trilogie Fifty Shades dans la tête de jeunes adolescents, surtout avec la banalisation qui semble se faire des pratiques décrites dans ces livres. Cela l’effraie, il en parle et il a raison. On ne peut qu'encourager les gens dans ce sens. La trilogie ne reflète en rien la réalité des relations sexuelles au sein du couple.

   Je dois avouer que j'attends la suite avec impatience, car ce livre soulève beaucoup de questions et j'ai hâte de savoir comment l'auteur va faire évoluer la situation, car il est clair que ce n'est ici qu'une marche de plus rajoutée à l'escalier, et qu'il en reste encore beaucoup d'autres à monter. Je suis curieuse aussi de savoir quel rôle vont jouer les fans-fictions sur Napoléon au bout du compte.

      "C'est qui ? me questionne Paul.
- Personne.
- Je vois bien que tu es toute contente... Je parie que c'est un homme."

Antton ? Un homme ?
J'avoue que je n'avais jamais songé à Antton en ces termes. Catastrophe ! Je considère mon petit mai comme un garçon, un jeune homme tout au plus. J'ai conscience que je me suis embarquée dans une drôle de relation.

    Je ralentis pour mieux l'observer de loin. Il me fait toujours autant d'effet, surtout avec son bermuda beige, son tee-shirt écru et ... Comble de joie : il porte une paire de petites baskets blanches et non des tongs, même si je reconnais que cela aurait été de saison. Or, je n'y peux rien, moi, les mecs avec des tongs, je trouve ça moche.

    Je me vois à travers ses yeux et je me sens irrésistible. Je n'avais jamais ressenti ça, avec personne.

    Je comprends mieux pourquoi il s'est tant accroché à moi, malgré son physique ravageur et le nombre se nanas qui lui tournent autour. Il n'est pas du tout conscient de son potentiel de séduction.

 

mardi 6 octobre 2015

Les p'tits nouveaux dans ma bibliothèque [11]

Le mois de septembre est passé à une vitesse folle ! Il a été riche en belles lectures mais aussi en belles réceptions.
Ma boîte aux lettres a été généreuse ce mois-ci. Je vous montre tout ça en vidéo :


La moitié de ces livres ont déjà été lus, les chroniques arrivent très vite !

Et de votre côté ? Quels livres ont rejoints vos étagères ?


lundi 5 octobre 2015

C'est lundi que lisez-vous ? [64]

"C'est lundi ! Que lisez-vous?" C'est une idée originale créé par Mallou, maintenant coordonnée par Galleane.

On répond comme chaque Lundi à trois petites questions :

1. Qu'ai-je lu la semaine passée ?
2. Que suis-je en train de lire en ce moment?
3. Que vais-je lire ensuite ?

Ce que j'ai lu la semaine passée :

Du 28 septembre au 4 octobre  2015
 Une très belle semaine de lecture pour moi. J'ai eu le plaisir de lire trois livres très différents les uns des autres, mais tous aussi passionnants les uns que les autres. Je vous en reparle donc très vite !

**
**
- La nuit de feu, de Eric-Emmanuel Schmitt
 - A l'encre bleue, de Nadine Thirault
- Les Belles Danses, de Marie Desplechin & Jean-Michel Othoniel
Ce que je suis en train de lire : 
   
    Pour une fois j'ai deux romans en cours en même temps, et ce n'est du qu'à mon étourderie : je suis partie sans mon livre à une soirée match de rugby. J'ai donc expérimenté l'application Kindle sur mon téléphone, et j'ai commencé Le métier de vivant. Depuis je poursuis ma lecture sur ma liseuse, c'est plus confortable que le téléphone : le tournage de page est plus espacé !

 
- Camille, mon envolée, de Sophie Daull
    Dans les semaines qui ont suivi la mort de sa fille Camille, 16 ans, emportée une veille de Noël après quatre jours d’une fièvre sidérante, Sophie Daull a commencé à écrire.
    Écrire pour ne pas oublier Camille, son regard « franc, droit, lumineux », les moments de complicité, les engueulades, les fous rires ; l’après, le vide, l’organisation des adieux, les ados qu’il faut consoler, les autres dont les gestes apaisent… Écrire pour rester debout, pour vivre quelques heures chaque jour en compagnie de l’enfant disparue, pour endiguer le raz de marée des pensées menaçantes.
    Loin d’être l’épanchement d’une mère endeuillée ou un mausolée – puisque l’humour n’y perd pas ses droits –, ce texte est le roman d’une résistance à l’insupportable, où l’agencement des mots tient lieu de programme de survie : « la fabrication d’un belvédère d’où Camille et moi pouvons encore, radieuses, contempler le monde ».
- Le métier de vivant, de François Saintonge
     Durant leur scolarité à Stanislas, deux cousins de la grande bourgeoisie, Max et Léo, et un fils de famille aristocratique, Lothaire, forment un trio soudé que la guerre de 1914 va séparer avant que la paix ne les réunisse.
    Pied-bot désinvolte et érotomane pratiquant, Lothaire échappe à la conscription. Léo, pilote breveté, et homme de devoir, accomplit le sien. Max demeure embusqué à la Maison de la Presse où il officie aux côtés de Cocteau et de Giraudoux avant de partir combattre en 1917 sur le front d’Orient. Démobilisé, Max accompagne avec son habituelle nonchalance la révolution surréaliste et se fait marchand d’art. Une histoire d’amour passionnelle et énigmatique l’attache par intermittence, durant plus de vingt ans, jusqu’au dénouement à Londres durant le Blitz, à Dionée Bennet. Cette jeune aventurière, devenue grand reporter, couvre tous les conflits des années vingt et trente. Elle est le parfait sosie de Max en femme : sont-ils frère et sœur, incestueux à leur insu ? Et pourquoi semble-t-elle ne pas s’étonner de leur confondante ressemblance ?


 
 Mes prochaines lectures :
Peut-être un autre livre numérique, un peu d'histoire ou une pièce de théâtre ... Comme d'habitude plusieurs livres me font envie, je choisirais celui qui me tente le plus sur le moment :)

jeudi 1 octobre 2015

Quand le diable sortit de la salle de bain - Sophie Divry

Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry

309 pages
Editions Noir sur blanc, Collection Notabilia
Parution : 20 août 2015

4ème de couverture :
    Dans un petit studio mal chauffé de Lyon, Sophie, une jeune chômeuse, est empêtrée dans l’écriture de son roman. Elle survit entre petites combines et grosses faims. Certaines personnes vont avec bonté l’aider, tandis que son ami Hector, obsédé sexuel, et Lorchus, son démon personnel, vont lui rendre la vie plus compliquée encore. Difficile de ne pas céder à la folie quand s’enchaînent les péripéties les plus folles.
     Après la mélancolie de La Condition pavillonnaire, Sophie Divry revient avec un roman improvisé, interruptif, rigolo, digressif, foutraque, intelligent, émouvant, qui, sur fond de gravité, en dit long sur notre époque.

    Difficile de parler d'un tel livre ! Tout d'abord parce qu'il est excellent, ensuite parce qu'il a un côté OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) et surtout parce que c'est une lecture qui parait très intime, pour moi en tout cas.

    Dans ce livre Sophie Divry nous explique sans détours comment on peut vivre en étant fauché comme les blés. Est-elle la narratrice de cette histoire ? Une telle profusion de détails, une telle justesse et une telle simplicité me ferait dire que oui, ... mais dans le doute je vais dissocier auteure et narratrice.

    Dans ce livre nous rencontrons donc Sophie, une jeune chômeuse qui a décidé de vivre de sa plume, ce qui ne s'avère pas aussi simple que prévu. Très vite, les fins de mois deviennent difficiles. S'il ne lui est pas difficile d'abandonner toute envie d'être à la mode, de se pomponner et toutes sortes de choses futiles, son problème majeur reste : payer ses factures et manger. Et c'est bien dans cet ordre là qu'il faut faire les choses pour ne pas se retrouver à la rue, ce qui serait alors le plus grand des échecs.
    Sa vie pourrait être simple si son meilleur ami ne la sollicitait pas régulièrement pour qu'elle lui rende de menus services et si son démon intérieur ne venait pas la harceler de temps à autre. Sans eux elle pourrait presque trouver sa vie tranquille et agréable. Mais voilà, on ne fait pas ce que l'on veut dans la vie, et il lui faut composer avec.
    Arrivera-t-elle à finir son roman, malgré les vindictes de certains ? Finira-t-elle par trouver une solution pour se sortir de la galère financière sans renoncer à la vie qu'elle s'est choisie ? Jusqu'où est-elle prête à faire des concessions ?

    Avons-nous tous été une Sophie dans notre vie ? Je ne sais pas, mais moi je l'ai été, et pas seulement parce que ma grand-mère me traitait de "Sophie" quand je faisais des bêtises lorsque j'étais petite (cf. La Comtesse de Ségur).
    Quiconque a un jour compté chaque sou un à un avant de faire ses courses et les jours sur le calendrier se retrouvera dans ce livre. Quiconque a déjà profité d'une sortie chez sa famille ou ses amis pour enfin manger un repas complet, équilibré et plein de saveurs se reconnaitra aussi. Quiconque a déjà regardé le plafond pendant des heures avec l'envie de pleurer, en se demandant comment s'en sortir, s'y retrouvera également.
    Pourquoi autant de monde pourrait-il se retrouver dans ce livre ? Parce que Sophie Divry met les mots justes sur la situation, elle ne cherche pas à la noircir ou à l'embellir. Elle analyse avec lucidité la situation, cédant parfois au découragement, meublant dans sa tête sa vie quand elle lui parait trop vide. Elle sait être cynique et acerbe, tout comme elle sait tourner en dérision certaines situations. La lecture de ce livre reste légère, on la suit pendant quelques semaines dans les méandres de sa vie.

    A aucun moment, Sophie Divry ne nous dépeint cette vie comme une vie triste, son personnage n'est pas déprimé. Comme tout humain il se laisse parfois abattre, mais cela ne dure pas, chaque fois il se relève et continue d'avancer. Il ne se plaint pas, il sait pourquoi il en est là, soit il l'accepte, soit il se prend en main pour se sortir de là. Tout simplement.

    Mais Sophie va au-delà de l'histoire de ce personnage, elle nous livre une chronique de notre société, soulevant un certains nombres de questions, comme celles que se posent ces hommes qui sont ses frères, sur l'avenir de leurs enfants, celle des rapports hommes/femmes... Des questions que beaucoup se posent.
    Elle nous invite à poser un autre regard sur notre monde de consommation, notamment de parce que le tiers de la population s'en trouve exclu. Elle propose de porter attention à chaque chose, à les considérer comme des petits cadeaux que l'on se fait et à en profiter en tant que tel, et non comme des choses dues ou banales. Un simple café ou un pain au chocolat peut devenir une vraie fête si on lui porte une réelle attention.

    Dans l'écriture de son texte, elle s'en laissé aller à des digressions, qu'elle a laissé dans le texte : collections de mots, des présentations de pages insolites, des changements de style de narration, des listes à n'en plus finir, etc... tous ces éléments comme autant de petites choses qui peuvent illuminer une vie, rendant vivants ce livre. Et le plus étonnant, c'est que ces "changements" semblent toujours coulés de sources, ils arrivent toujours au bon moment, durent juste ce qu'il faut, ce qui montre une grande dextérité littéraire chez l'auteure.

    Ce livre est un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire, il m'a touchée et amusée tout à la fois. C'est un livre que je prendrais plaisir à relire et que je vous conseille vraiment de lire ! Vous ne serez pas déçus.

     "N'avais-je pas payé honnêtement mon dû ? On ne pouvait rien me reprocher. Je payais mes factures. je mangeais pauvrement. Oui j'étais courageuse. La dèche déclenche souvent de l'orgueil - et je pense que tous ceux qui ont connu ça me comprennent - puisqu'on est capable de ne rien manger ou presque, on se croit au-dessus des autres, comme si la misère développait chez ses victimes une fierté idiote, mais nécessaire pour se battre contre elle. "

    "Les riches ne manquent pas de distractions ; ils ont un emploi du temps, des enfants, un travail, pas une minute à perdre. Déguster un café quand on est chômeur, cela devient une occupation précieuse. Dans un bar, on peut lire le journal, écouter les conversations, regarder travailler les serveurs, suivre la moitié audible d'une dispute au téléphone portable ... et se sentir, par ses saynètes, participer à un corps social vivant. Le snack où je m'étais réfugiée m'apporta cette sociabilité ordinaire, celle qui manque tant aux détenus au fond de leur cellule."

    "-En tout cas, si un jour tu veux me présenter quelqu'un, ça me ferait plaisir.
- C'est gentil, maman, mais ce n'est pas le cas.
- J'espère que ce n'est pas à cause de ta littérature. Tu sais les hommes n'aiment pas les intellectuelles, ils s'en méfient. C'est triste, mais c'est toujours comme ça.
- Pas toujours.
- On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Il faut lâcher tes bouquins de temps en temps."


    "[...] je n'aime pas les hommes qui ne rigolent jamais en faisant l'amour ; je crains les collectionneurs ; je me méfie de ceux qui aiment trop le jazz ; je ne pourrais jamais désirer un homme qui passe trois heures par jour devant un jeu vidéo ; je n'aime pas les faiseurs de chichis ; je me fatigue des bavards ; je n'aime pas les mauvais pères ; je n'aime pas les hommes qui restent silencieux pour faire croire à leur intelligence ; je ne suis pas particulièrement attirée par les beaux gosses ; [...]"