mercredi 25 mai 2016

La carapace de la tortue - Marie-Laure Hubert Nasser

La carapace de la tortue, de Marie-Laure Hubert Nasser

282 pages
Editions Gallimard, Collection Folio
Parution : Avril 2016

4ème de couverture :
   "Oui, je suis venue sur terre comme une tortue, encombrée d'une carapace. Qui rentre la tête quand le monde extérieur est trop douloureux".
   Clotilde cache ses complexes derrière d'amples vêtements. Après avoir tenté sa chance à Paris, cette jeune Bordelaise revient au pays grâce à sa grand-tante. Sous des dehors revêches, Thérèse a prévu pour sa petite-nièce un strict programme de remise en forme. Avec l'aide de tous les voisins qui ont au préalable passé un casting impitoyable, Clotilde devra sortir de sa réserve. Il y a Claudie qui aime raconter ses histoires de fesses, Sarah et Sophie, délaissées par leur mari et bien décidées à s'en accommoder, Elisabeth, la business woman meurtrie de ne pas voir grandir ses trois enfants... Chacun à sa façon va aider Clotilde à reprendre goût à la vie.
    Une galerie de portraits attachante, l'histoire d'une renaissance racontée avec énergie et un humour parfois corrosif. 


    Clotilde est une jeune femme timide à l'extrême. Nous faisons sa connaissance lorsqu'elle arrive à Bordeaux pour prendre possession de l'appartement prêtée par sa tante. Si elle se réjouie de commencer une nouvelle vie, elle est aussi paniquée : que pourrait-elle bien faire, elle, dont l'existence est vide et inutile ?
    Clotilde n'a aucune confiance en elle, c'est à peine si elle se connait. Sa tante, Thérèse, s'en rend compte au premier coup d'oeil. Elle se reconnait dans cette jeune fille gourde et empotée, aussi décide-t-elle de l'aider, à sa façon, brusque et directe. Et pour cela elle sait qu'elle peut compter sur tous les locataires de son immeuble, sur lesquels elle règne d'une main de maître.
    C'est ainsi que nous allons faire la connaissance de Claudie, la jeune femme très sûre d'elle et un poil aguicheuse, de Léo le petit bout de bonhomme de 4 ans qui semble vivre dans les escaliers, de Sarah et de Sophie, mères au foyer ambitieuses et exigeantes avec elles-mêmes, d'Elisabeth, la maman qui travaille trop, de Stanislas le beau steward... Tout ce petit monde va entrer dans la vie de Clotilde et la remplir de joie, de doutes, mais aussi de souffrances, d'exigences et d'obligations. A leur contact, Clotilde va enfin commencer à vivre et commencer à se découvrir. Peut-être même arrivera-t-elle à s'aimer ? et à s'estimer ?

    Au début du livre Marie-Laure Hubert Nasser nous présente Clotilde comme une masse flou, on est aussi perdu pour la situer dans sa vie, qu'elle l'est elle-même. Au fil des pages, son portrait va s'affiner, comme les traits de sa silhouette. Petit à petit nous assistons à la naissance d'un papillon, doux et coloré. J'ai beaucoup aimé cette approche de l'auteur pour nous révéler son personnage. Elle en fait une jeune femme attachante que l'on a envie d'encourager, mais également à laquelle on peut s'identifier. Il nous arrive à tous d'avoir des moments de vide, où la seule chose réconfortante est de se rouler en boule dans le silence et le noir ; mais on finit par se relever et continuer d'avancer, et cette force qui nous pousse vers l'avant on espère que Clotilde va aussi la trouver, on lui souhaite de tout son coeur.
    Et puis lorsque Clotilde en a la force, elle prend la parole, et c'est elle qui nous livre ensuite sa vie, ce qu'elle ressent au quotidien. C'est elle qui pose des mots sur cette vie qu'elle semble enfin acceptée comme la sienne. Et ce changement de narration est agréable, doux et réconfortant.

    A travers ce roman, Marie-Laure Hubert Nasser nous révèle les beaux aspects de la nature humaine. A travers ses mots elle nous redonne fois en l'humanité. Nous rappelant qu'aucun n'être est inutile, même si pendant un instant on peut se laisser aller à le croire. La nature humaine est belle, mais elle ne peut s'exprimer qu'en société. Nous avons besoin de nos semblables pour avancer : pour donner de l'amour et en recevoir, et comment vivre sans amour ?

    J'avoue que je ne pourrais pas vivre dans cet immeuble, je suis peut-être trop casanière ou trop sauvage ? A moins que je ne saurais juste pas doser les choses ? J'imagine que des immeubles tels que celui-ci existent encore, et que par le passé ils étaient légions... Lorsque l'on ne s'enfermait pas chez soi, dans sa solitude.

    Exceptionnellement j'aurais aimé que ce livre n'ait pas de fin. Que l'auteur choisisse de laisser l'histoire ouverte. Ce tourbillon de vie qui semble enfin emporter Clotilde, on voudrait qu'il continue, que tous les possibles lui soit accessibles. Je n'avais pas envie que l'on me dise quelle voie Clotilde allait choisir au carrefour de sa vie, j'aurais voulu arrêter ma lecture et lui donner le choix, comme à un oisillon que l'on a vu grandir et qu'on laisse quitter le nid, loin de nous. Moi qui déteste les fins ouvertes, je me suis vu en désirer une, il y a vraiment un début à tout.

    C'est une lecture qui m'a enchantée, dans laquelle j'ai plongé sans retenue, dévorant les pages avec bonheur, confiante dans les mots et les intentions de l'auteur. Il y a beaucoup de lumière dans ce premier roman, et j'espère du fond du cœur que l'auteur saura continuer sur cette voie.


    Elle le savait. La vieille. La Thérèse. Il ne fallait pas la lui faire. C'est pour cela qu'elle était de si méchante humeur quand elle assistait à ces fêtes de famille qui s'éternissaient jusque tard dans la nuit. Elle observait la comédie humaine en marmonnant entre ses dents.

    Ils m'ont posé des questions sur leur progéniture. M'ont demandé mon avis. A moi. J'avais traversé une trentaine d'années dans la plus totale transparence. Malgré ce corps hommasse. Soudain les gens me questionnaient et s'intéressaient à mes réponses. Cela m'a interpellée. M'a soulagée. M'a rendue heureuse et nostalgique à la fois. Comme si cette cette solitude qui s'était inscrite dans mes chairs me rappelait à l'ordre. J'avais cette tristesse imprégnée en moi. Il fallait que je m'en débarrasse. Que j'oublie ce temps. 

    Ils sont tous partis.
    La pièce était dévastée. Comme après un cyclone. J'ai aimé rangé ce désordre. C'est joyeux le désordre.


Je remercie la collection Folio et le forum Livraddict pour la découverte de ce roman.


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