jeudi 13 février 2014

La femmes des dunes - Chris Bohjalian

 La femme des dunes, de Chris Bohjalian

317 pages
Editions Charleston
Parution : 10 février 2014

4ème de couverture :
Alep (Syrie), 1915. Elizabeth Endicott, une jeune Américaine, arrive en Syrie durant le génocide arménien. Elle se lie d'amitié avec Armen, un ingénieur arménien qui a perdu sa femme et sa fille. Mais très vite, Armen quitte Alep pour s'engager dans l'armée anglaise. Il entame alors une correspondance avec Elizabeth et comprend qu'il est tombé amoureux de la riche Américaine, si différente de la femme qu'il a perdue.

Bronxville, banlieue de New York, 2012. Laura Petrosian, romancière, n'a jamais accordé beaucoup d'importance à ses origines arméniennes. Jusqu'au jour où une amie l'appelle : elle croit avoir reconnu la grand-mère de Laura sur une photo tirée d'une exposition au musée de Boston. Laura entreprend alors un voyage à travers son histoire familiale et découvre un terrible secret enfoui depuis des générations...

 
      A travers ce livre nous suivons deux femmes. Laura nous raconte l'histoire de sa grand-mère Elisabeth ; et en parallèle nous découvrons ses recherches en tant que petite-fille, décidée à en savoir plus sur son passé : comment sa grand-mère américaine a-t-elle rencontré son mari Armen, arménien de naissance ?
      Toutes deux nous entraînent jusque dans ce pays désertique : nous sommes en plein génocide, et Elisabeth est venue avec son père apporter des médicaments et du ravitaillement pour les Arméniens. Ils s'établissent au consulat américain, où ils sympathisent vite avec le consul. Ce dernier fait des pieds et des mains pour aider comme il peut, pour essayer d'obtenir les autorisations nécessaires. Mais rien n'est simple dans ce pays ravagé, où les Turcs contrôlent tout, et où la loi du silence est de rigueur. Tout le courrier est relu avant de passer les frontières, toutes les photographies sont interdites. Le génocide est un tabou, et il l'est encore pour beaucoup aujourd'hui.
      Nous assistons donc à l'arrivée d'Elisabeth dans ce pays si différent du sien, et, si elle est pleine d'énergie et d'espoir, elle se trouve impuissante.
     Il n'y a pas d'un côté les gentils et d'un côté les méchants. Tous les Turcs ne cautionnent pas ce qui se passe dans le pays ; c'est le cas de ce médecin turc qui soigne inlassablement, jour après jour, les Arméniens qui arrivent à l'hôpital, et il ne fait pas de différences, même s'il est conscient du peu qu'il peut faire pour eux.
     Et puis il y a ces deux jeunes allemands, qui ont décidé de faire une série de clichés de ces déportés arméniens qui arrivent à Alep par dizaines. Ils sont jeunes et tentent de braver la censure, mais se feront prendre. Qu'adviendra-t-il de ces photos ?
     Et puis il y a le jeune Armen qui cherche à avoir des informations sur la mort de sa femme.

     Mais si ce livre évoque le génocide, il nous rapporte avant tout une histoire d'amour : celle d'Elisabeth et Armen. Comment peuvent-ils s'aimer ? Ont-ils un avenir ensemble ?

     Chris Bohjalian ne mâche pas ses mots lorsqu'il évoque le génocide arménien, mais il n'en dit pas trop non plus, pour que le livre soit accessible à un large public et pour ne pas heurter les sensibilités. Il souligne le fait qu'aujourd'hui encore les relations turques et arméniennes demeurent tendues, et qu'il n'est pas toujours facile pour les générations actuelles de vivre avec ce bagage. Les anciens ont la rancune tenace, alors que les jeunes savent laisser derrière eux ces conflits qui ne semblent plus les concerner.

      J'avoue que le passage d'une histoire à l'autre ne m'a pas toujours paru pertinente. Ce changement de narration, avec deux histoires emboîtées, est à la mode, mais ne me convainc pas vraiment. Il l'aurait davantage fait si au moins une des deux histoires étaient vraies, mais ce n'est pas le cas ici. Or j'ai dû chercher un moment avant de trouver la petite note informant qu'il s'agit d'une fiction.

     Mais il faut souligner les points positifs : Chris Bohjalian a fait des recherches très approfondies sur le génocide et sait nous délivrer juste ce qu'il faut d'informations. Il ne prend ainsi pas position, ne condamne personne, et prend de la distance par rapport à son écrit. Il attise la curiosité et donne envie d'en apprendre plus sur ce sujet délicat. Il faut lui reconnaître une belle plume et un texte qui se laisse bien lire.

      "Je raconte donc à présent leur histoire, me concentrant une fois de plus sur un coin de la planète que la plupart d'entre nous ne sauraient situer sur une carte et un moment de l'histoire qui, aujourd'hui, est en grande partie oublié."

     "Ceux qui prennent part à un génocide ou détournent simplement le regard abondent rarement en anecdotes. [...]. En général, seuls les rescapés parlent... et ils ne sont pas très disserts non plus."

     "l'âme a parfois besoin de ne dire les choses qu'à demi-mot."

     "Il se demanda quelles cicatrices elle allait rapporter à Boston, comment sa mère la trouverait à son retour. Elle avait vu le pire de ce que l'humanité avait à offrir, se retrouvant brutalement plongée dans un monde de folie et de mort."

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