mardi 11 février 2014

Novecento : pianiste - Alessandro Baricco

Novecento : pianiste, un monologue, d'Alessandra Baricco

70 pages
Traduit de l'italien par Françoise Brun
Editions Mille et une nuits
Parution : 1997

4ème de couverture :
Novecento n'a jamais connu d'autres univers que la mer. Devenu pianiste sur ce bateau dont il ne descend jamais, il en devient un rouage et n'existe qu'à travers lui. Virtuose enflammant les "Roaring Twenties", défiant Jelly Roll Morton "l'inventeur du jazz", Novecento restera lié à son navire pour l'éternité.

      Il n'est pas facile de parler de ce texte tant il est riche et original. C'est un texte de théâtre pour un seul acteur sur scène. L'auteur l'a écrit pour un comédien et un metteur en scène en particulier qui ont donné vie à ce monologue lors du festival d'Asti de 1994.

       Dans la préface Alessandra Baricco se fait lui-même la réflexion que ce texte est à "mi-chemin entre une vraie mise en scène et une histoire à lire à voix haute." Et je ne peux qu'abonder dans ce sens. C'est ce qui fait la particularité de cet écrit.
     On y retrouve la narration très posée et linéaire d'une nouvelle ou d'un roman, et des passages hachés par la ponctuation d'un texte de théâtre.
      Quelques didascalies dirigent le comédien entre les différentes séquences, et quelques indications de mise en scène donne du corps au texte.
        Un seul comédien sur scène, mais plusieurs personnages qu'il endossera tour à tour, chacun relatant un passage de l'histoire. Ce roulement permet de sortir de la pure narration et de donner de la vie au récit.

      Le texte s'ouvre avec le trompettiste de l'orchestre du bateau le Virginian, c'est lui qui va nous raconter la vie de son ami et pianiste de talent, Danny Boodman T.D. Lemon Novecento.
     Ce texte est pour partie un hommage à l'amitié et à l'admiration d'un homme pour un autre.
     Mais surtout, c'est une réflexion sur la relation au monde, sa propre relation au monde, de quoi nous peuplons notre monde.
      Pour ce trompettiste le monde est vaste, il est à découvrir. Il est monté sur ce bateau parce que l'occasion s'est présentée, pour y jouer, mais il en redescendra, sa vie est à terre.
      Pour Novecento c'est l'inverse : le bateau c'est son monde à lui. Il n'en est jamais descendu, il est né dessus, a grandi dessus. Le monde, il le rêve. Il le découvre à travers les yeux et les récits des gens qu'il côtoie sur le bateau. Il remplit sa vie de musique, et celle-ci l'entraine dans les contrées lointaines. Il voyage dans sa tête.
      Il rêve qu'un jour il descendra, qu'il foulera la terre de ses pieds, qu'il regardera la mer du rivage. Il apprivoise doucement l'idée dans sa tête, se joue le film, mais pourra-t-il passer à l'acte ? Quitter le ventre sécurisant de ce bateau ? Parviendra-t-il à naître au monde ?
      Nous aussi sommes souvent confronté à ce choix : quitter notre petit confort, nos repères pour nous lancer dans l'aventure. Sur mille d'entre nous, qui le fera ?

      Ce court texte est intense en émotion et en réflexion. Alessandra Baricco laisse le lecteur/spectateur sur une magnifique réflexion de Novecento. J'avoue avoir tellement aimé ce passage, que je l'ai relu deux fois à haute voix.

     C'est un texte contemporain presque atemporel, très accessible, qui se déguste et se savoure.

     "Première traversée, première tempête. Génial. Je n'avais même pas eu le temps de comprendre où j'étais que je me retrouvais dans un des grains les plus terribles de l'histoire du Virginian. En plein nuit, il a eu les boules et hop, il a tout envoyé promener. L'Océan. A croire que ça ne s'arrêterait jamais. Le type qui est sur un bateau pour jouer de la trompette, on ne peut pas dire qu'il soit d'une grande utilité quand l'ouragan arrive. Il peut juste éviter de jouer de la trompette, histoire de ne pas compliquer les choses. Et puis rester sur sa couchette, bien tranquille."

     "Je sais maintenant que ce jour-là Novecento avait décidé qu'il allait s'asseoir devant les touches blanches et noires de sa vie, et commencer à jouer une musique, absurde et géniale, compliquée mais superbe, la plus grande de toutes. Et danser sur cette musique ce qu'il lui resterait d'années. Et ne plus jamais être malheureux."

1 commentaire:

  1. Contente qu'il t'ai plu!
    Si tu veux, je peux le compter du coup pour le challenge théâtre?
    si tu peux y ajouter le lien vers la page du challenge théâtre comme ça, ça te fera une première participation?

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