mercredi 4 novembre 2015

La nuit de feu - Eric-Emmanuel Schmitt

La nuit de feu, de Eric-Emmanuel Schmitt

183 pages
Editions Albin Michel
Parution : Septembre 2015

4ème de couverture :
    À vingt-huit ans, Eric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée dans le grand sud algérien. Au cours de l’expédition, il perd de vue ses compagnons et s’égare dans l’immensité du Hoggar. Sans eau ni vivres durant dans la nuit glaciale du désert, il n’éprouve nulle peur mais sent au contraire se soulever en lui une force brûlante. Poussière d’étoiles dans l’infini, le philosophe rationaliste voit s’ébranler toutes ses certitudes. Un sentiment de paix, de bonheur, d’éternité l’envahit. Ce feu, pourquoi ne pas le nommer Dieu ?
    Cette nuit de feu – ainsi que Pascal nommait sa nuit mystique –, Eric Emmanuel Schmitt la raconte pour la première fois, dévoilant au fil d’un fascinant voyage intérieur son intimité spirituelle et l’expérience miraculeuse qui a transformé sa vie d’homme et d’écrivain. Les chemins qu’il trace ici sont inscrits en chacun de nous.

   Ce livre est de loin le plus personnel qu'Eric-Emmanuel Schmitt ait écrit, et pour cause ! Dans ce livre il nous raconte avec des mots simples, ce voyage à travers le désert qu'il a effectué pour son travail, qui a changé sa vie à jamais.
   Pour survivre dans le désert, il faut voyager en groupe, on ne reste jamais seuls, l'isolement peut être fatal. Chacun se fait les yeux et les oreilles de l'autre pour guetter les moindres dangers, les moindres risques, rattraper le moindre feux pas. Il faut faire front tous ensemble, aussi différents que soient de nous les autres membres de la caravane. Mais c'est aussi le lieu où l'on se sent le plus seul, une immense solitude à l'intérieur de soi, comme un grand vide. Ce vide, l'auteur l'a bien ressenti.
   Dans cette caravane, Eric-Emmanuel ne se sent pas vraiment à l'aise, il n'y a pas de vrai cohésion entre les membres, aucuns points communs, si ce n'est cette traversée du désert, et encore ... car tous ne l'effectuent pas dans le même but ni pour les mêmes raisons. Si certains y cherchent le dépassement de soi en vivant dans un milieu hostile, l'autre n'y cherchera que des traces du passé à travers les roches et la végétations, un autre ne s'intéresse qu'au ciel, et d'autres ne sont là que pour voir. Lui est ici, parce que son patron a décidé de venir repérer des lieux pour le tournage d'un film et qu'il l'a emmené dans ses bagages.
   Eric-Emmanuel ne se sent proche que d'un homme, Abayghur, le bédouin en charge de guider la caravane à travers l'hostile désert. Cet homme fascine l'auteur, il admire sa foi, sa joie de vivre, sa confiance en toutes choses, son économie des gestes et des paroles. Tout ce que fait cet homme semble avoir un sens, et il n'a pas besoin des mots pour se faire comprendre et partager ses pensées et tourments.
   Eric-Emmanuel Schmitt nous plonge dans ses souvenirs de ce voyage. Il revient sur ce qui l'a marqué : les interrogations, les lieux, les discussions. Il nous livre une chronologie romancée du périple, jusqu'au Grand Moment, celui où sa vie a basculé : ce moment où il pense avoir rencontré Dieu. S'il ne peut affirmer avec certitude l'avoir rencontré, il est certains en revanche que sa foi s'est allumée ce jour-là. Une foi universelle et puissante, qui ne se limite pas à une seule religion, mais qui embrase l'univers tout entier, le connectant avec lui.

   A travers l'écriture de ce grand moment, on ressent la force de ce que ressent Eric-Emmanuel, un ressenti qui dépasse les mots. Peut-on écrire l'invisible ? Peut-on raconter l’indicible ? l'intime ?
L'auteur essaye tout de même de poser des mots, afin de partager avec nous, ce bonheur et cette joie, ressentis ce jour-là.
    Avant de reprendre le récit de son voyage, récit où son regard sur les choses a changé et où ses sentiments ne sont plus les mêmes. Il n'est alors plus vide, il se sent plein, plein d'amour de joie, de ce qu'il sentait vibrer chez Abayghur, qu'il enviait sans savoir ce que c'était.

    Se raconter est difficile, il ne faut pas trop en faire, mais il ne faut pas paraître trop modeste non plus sinon cela sonne faux. Pour se raconter, il faut avoir trouver la paix, une paix intérieure, avoir fait la paix avec soi-même et ses sentiments, savoir qui on est. Je crois qu'Eric-Emmanuel Schmitt est en paix avec lui-même, et c'est ce qui lui a permis de nous livrer aujourd'hui un texte aussi intime et personnel.

   J'ai aimé lire ce livre, qui nous en apprend beaucoup sur l'homme qui se cache derrière l'auteur. Un homme que nous laissait deviner ses autres écrits, dont la sensibilité et l'humanité ne sont plus à démontrer, et que nous confirme ce texte.
    Je doute qu'un jour cet auteur écrive ses mémoires, il fait parti de ces gens qui ont compris qu'il n'est pas important de tout raconter, mais qu'un évènement peu valoir que l'on prenne la plume pour le transcrire sur le papier pour le partager.
    C'est une lecture que j'ai aimé, j'ai aimé le suivre au désert, suivre le cheminement de ses réflexions, lire ces sentiments si forts. Je n'ai pu lâché le livre avant de l'avoir fini. C'est un livre qui nous donne envie de croire, de croire en l'Homme et en quelque chose de plus fort, qui nous dépasse mais qui rassure, de se laisser porter par ce sentiment de bien-être que procure la foi et de sourire à la vie.

    Si vous ne connaissez pas cet auteur, je vous déconseille de commencer par ce livre, car il s'éclaire grâce à la lecture de ses autres textes. Ce livre est pour moi, comme une préface à tous les livres qu'il a déjà écrits.

    Pourtant, quoique aimant ma discipline, je me défiais du chemin que les gens discernaient devant moi... Était-ce le mien ou la suite logique de mes études ? S'agissait-il de ma vie ou de celle d'un autre ? 

   Il ne s'agissait ni d'un coup de foudre amoureux, ni d'un coup de foudre amical, mais d'un coup de foudre... comment dire... humain. J'adorai aussitôt la civilisation que cet homme incarnait, j'adorai l'Histoire que sa présence racontait, j'adorai son insolente tranquillité, le sourire dont il nous régalait, un sourire empreint d'accueil et de sérénité, un sourire qui nous promettait des moments envoûtants.

   - Aucun de nous ne verra sa figure durant dix jours ! avait conclu Ségolène.
   Cette perspective lui déplaisait ; moi elle me ravissait.
   Depuis toujours j'entretiens des relations compliquées avec les miroirs. Si mon enfance les ignora, mon adolescence se planta en face d'eux. Combien de journées avais-je consacrées à me déchiffrer ? Il ne s'agissait pas de narcissisme, plutôt de désarroi. Je ne comprenais pas ...  

   Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés.

   Je manifestais moins d'impatience. Ma conception du voyage avait changé : la destination importe moins que l'abandon. Partir, ce n'est pas chercher, c'est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n'a d'autre but que de se livrer à l'inconnu, à l'imprévu, à l'infinité des possibles, voire même à l'impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l'illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l'exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but.

   Le hasard existe-t-il ? N'est-il pas plutôt le nom que collent à ma réalité ceux qui veulent ignorer le destin ?

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