mercredi 30 mars 2016

La femme au colt 45 - Marie Redonnet

Le femme au colt 45, de Marie Redonnet

112 pages
Editions Le Tripode
Parution : Janvier 2016


Rabat de couverture :
     L'Azirie est tombé sous le joug d'une dictature. Lora Sander décide de fuir le pays. Sa vie de comédienne est devenue impossible. Elle prend le chemin de l'exil et rejoint l'Etat limitrophe de Santarie, munie de son colt 45

4ème de couverture :
     "Je dois apprendre toute seule à devenir Lora sander"



    Une des premières choses que j'ai apprécié : c'est la présentation de ce livre. L'objet en lui-même est superbe et très agréable à manipuler : couverture souple, illustration lumineuse de la couverture, mise en page avec des marges généreuses, grain de papier fin, ... autant de petite chose qui sont une invitation à la lecture.

    C'est donc un soir que j'ai plongé dans l'histoire de Lora Sander. Moi qui ne pensait ne lire que quelques pages avant de dormir, je n'ai pu poser le livre avant d'en connaître la fin.

    J'ai été complètement happée par la narration. Marie Redonnet a fait un choix audacieux : elle laisse son personnage parlé et commenté ce qu'elle fait du début à la fin du livre, nous glissant juste quelques phrases par-ci par-là à la manière des didascalies de théâtre. Son personnage étant comédienne, ce choix semble si pertinent et évident. Au point de se dire, qu'il serait passionnant de porter ce texte sur les planches.
    Lora Sander est comédienne, elle a épousé le directeur du Magic Théâtre et y a fait toute sa vie. Mais lorsque son mari est arrêté par le régime en place, elle n'a d'autres choix que de fuir. Elle nous emmène avec elle dans cette fuite, elle nous fait vivre chacun des moments de sa vie, comme autant d'instantanés. Utilisant la parole et les mots comme d'autres les images sur instagram.
    Sa vie est-elle belle ? est-elle simple ? elle ne la juge pas, se contentant de mettre chaque jour un pied devant l'autre. Elle vit et se sent vivante, mesurant cette chance immense d'être là où elle est, malgré les difficultés rencontrées et la solitude. Mais qui a dit que la vie est un long fleuve tranquille ? Chacun est seul aux commandes de sa vie, et les rapprochements sociaux sont ponctuels : la seule personne sur laquelle on peut compter chaque jour est soi-même.
    Alors Lora Sander croit en elle, en ses qualités et fait confiance à la vie. Elle se dit que demain apportera de nouvelles choses, mais elle n'espère pas trop, cherchant des petits bonheurs dans les choses du quotidien, dans ce qui lui reste. Comment faire autrement de toute façon, lorsque l'on a plus ni papier, ni identité, que l'on est en territoire inconnu, sans le sou et que le retour à la maison est dangereux ? Lorsque l'on a plus rien à perdre, on développe des trésors d'imagination, on prend des risques, et on vit encore plus fort.

    Cette vie que nous raconte Lora Sander, est celle que des milliers d'hommes et de femmes vivent de par le monde, vaillamment sans se plaindre. Avancer pour continuer à vivre, en espérant un jour que le vent chasse les nuages et que la vie redevienne plus clémente. Ces hommes et ses femmes qui se battent chaque jour pour vivre une vie digne et libre, nous les côtoyons peut-être sans même le savoir, car toujours ils gardent la tête haute, jamais ne se plaignent ; car baisser sa garde, se laisser aller à la mélancolie leur vaudrait un billet retour pour l'enfer.
    Lora Sander est-elle courageuse ? L'est-on lorsque le courage n'est plus une option et qu'il faut aller au devant de tous les dangers pour maintenir sa vie ?
    Le corps et l'esprit humain recèlent des ressources incroyables lorsque cela est nécessaire, et elle nous en fait une belle démonstration. A trop vivre dans le confort, nous en oublions souvent la chance que nous avons.

   Je me plais à penser que ce livre pourrait être portée sur les planches par Lora Sander, elle-même, lorsque le soleil brillera à nouveau dans sa vie et qu'elle pourra redevenir, en partie du moins, celle qu'elle était avant : une comédienne passionnée et libre.

    Ce livre a vraiment été une belle découverte. J'ai aimé suivre la narration, suivre la voix de Lora Sander, m'imaginer les faits qu'elle nous relate. De par sa plume, Marie Redonnet a fait de son personnage, une femme très proche de nous, presque une amie. C'est un ouvrage d'une très belle qualité littéraire, que je prendrais plaisir à relire à voix-haute pour lui donner encore plus de dimensions et laisser aux mots toutes les forces et leur puissance.
    C'est un délicieux moment de lecture que je ne peux que vous conseiller, promis vous ne serez pas déçus. :)

    - Je croyais ne jamais quitter le Magic Théâtre. Le Ministre de la Culture a brusquement décidé de le fermer sous prétexte qu'il était vétuste et que les règles de sécurité n'y étaient pas respectées. En fait il juge que les pièces de Zuka sont trop critiques et qu'elles encouragent la sédition. C'est pour cette raison que Zuka a été arrêté. Moi aussi qui jouais dans ses pièces je suis subversive. Giorgio était contre le principe de non-violence que lui a enseigné Zuka. Il pense que ce n'est pas seulement en faisant du théâtre qu'on peut renverser la dictature du général Rafi. Si les hommes libres ne prennent pas les armes pour se défendre, le terreur l'emportera partout dans le monde et pas seulement en Azirie. C'est pour cette raison qu'il a quitté le Magic Théâtre où il avait grandi et qu'il s'est engagé dans la lutte armée. je comprends Giorgio même si j'ai peur pour lui. A quoi ont servi les pièces que nous avons jouées puisque le Magic Théâtre a été fermé et que Zuka a été arrêté comme s'il avait pris les armes ? Je ressemble à Giorgio sinon je me serais débarrassée de mon colt depuis longtemps. 

    -Je veux que Giorgio soit fier de moi si un jour nous nous retrouvons, sains et saufs tous les deux et tous les deux ayant fait nos preuves. Sous l'aile protectrice de Zuka, Giorgio ne pouvait pas s'affirmer, comme moi qui suis restée une petite fille même si je suis une femme de presque cinquante ans ! Il est temps que je devienne enfin moi-même.  

    -Même si je suis fatiguée, je retarde le moment d'aller dormir parce que j'aime être assise au bord du fleuve. C'est mon moment de détente que j'attends avec impatience. Je pense à Zuca et à Giorgio comme si je les avais connus dans une autre vie dont le souvenir s'éloigne chaque jour un peu plus. je m'accroche à ce souvenir pour garder mémoire de ce que j'ai été. Sans cette mémoire, je serais perdue.

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