mercredi 2 mars 2016

La vie quand elle était à nous - Marian Izaguirre

La vie quand elle était à nous, de Marian Izaguirre

355 pages
Editions Albin Michel
Parution : octobre 2015
Traduit de l'espagnol par Séverine Rosset

4ème de couverture :
   « Quand la vie était à nous »… Lola regrette le temps où son existence était peuplée de promesses et d’illusions, de livres et de discussions enflammées, d’amour et de projets pour bâtir une Espagne démocratique. L’espoir de 1936.

   Quinze années ont passé et ses rêves se sont envolés.  Il ne lui reste de cette époque, à elle et à son mari Matias, qu’une petite librairie dans les ruelles sombres d’un quartier de Madrid. C’est dans ce modeste lieu de résistance culturelle que Lola fait la connaissance d’Alice, une anglaise hantée par son passé et particulièrement par la mort de l’homme qu’elle aimait.
Intriguée par un livre en vitrine, Alice entraîne Lola dans une lecture singulière et bouleversante : La fille aux cheveux de lin, l’histoire de Rose, anglaise comme elle, soupçonnée d’être la fille du duc d’Ashford… Une amitié sincère voit le jour à mesure que les deux femmes découvrent ce livre qui va lier leur destin à jamais.
   Des paysages de Normandie à l’Angleterre de la première guerre mondiale, du Paris des années folles à l’Espagne des Brigades internationales, la romancière Marian Izaguirre nous entraîne dans un véritable voyage à travers la littérature, vibrant hommage à la force des mots.

     Ce livre a été une vraie gourmandise littéraire. Je l'ai savouré avec bonheur de la première à la dernière page. Soyons honnête j'ai compris très vite où l'auteur allait nous emmener, mais cela n'a pas gâché ma lecture pour autant, je me suis laissée porter par les mots et par l'histoire.

    Dans ce livre nous rencontrons un sympathique couple de libraires, la quarantaine, qui tiennent une toute petite librairie dans une ruelle. C'est une petit échoppe modeste qui vend des livres d'occasions et des fournitures scolaires. Et Alice, une petite mamie aux cheveux gris qui s'ennuie et découvre par hasard cette librairie. Rien ne laissait présager que cette rencontre fortuite au détour d'une rue allait changer la vie de ces trois-là.
    Au centre de tout le roman il y a un livre "La fille aux cheveux de lin", c'est grâce à lui que tout à commencer. Grâce à lui que les langues vont se délier et les amitiés naître, belles et fortes, solides et inattendues. De ce roman et de l'idée original du libraire de le déposer en vitrine ; cela s'est rarement, pour ne pas dire jamais, vu, et de l'offrir à la personne qui viendrait chaque jour lire les deux nouvelles pages affichées.
    Ce roman, c'est l'histoire d'une jeune fille, Rose, qui raconte sa vie depuis son enfance. Elle est placée enfant dans une ferme en Normandie, jusqu'à ce qu'elle soit inscrite au collège, et où elle découvre enfin le milieu dont elle vient. Fille illégitime, elle sera en perpétuelle quête d'identité, et dans ce parcours les livres seront de précieux alliés.


    L'auteur a choisi une narration originale, nous livrant la vie des libraires et de la vieille dame, mais en insérant le roman par chapitres entiers au fil de son récit. C'est lui qui donne vie à l'histoire, lui qui inspire les confidences et les réflexions.
    En faisant ce choix Marian Izaguirre nous seulement ravit son lecteur en mélangeant époques et styles d'écritures, mais le captive. Nous lisons deux histoire en une, si différentes, et pourtant ...

    A travers la vie de Lola et de son mari Matias (les libraires), l'auteur nous décrit pas bribes la vie sous le régime franquiste. Comment certains ont tout perdu, comment d'autres essayent tant bien que mal de s'accommoder du système pour tenter de vivre une vie normale, comment d'autres le rejettent en bloc et refusent d'y penser, comment d'autres gardent des blessures cachées et n'osent les avouer.
    La dictature a changé beaucoup de chose dans un pays où la vie s'écoulait simplement avec nonchalance. C'est peut-être avec nonchalance qu'elle s'est aussi installée, doucement, insidieusement. Mais pour les intellectuels, c'est un coup au cœur, un bouleversement de chaque instant, qui ne les fait aspirer qu'à un retour vers un régime plus libre, et on les comprend. Mais si le pays recouvre sa liberté, elle ne rendra pas ce qui a été perdu, et ça Lola le déplore chaque jour.

    J'ai beaucoup aimé les deux personnages féminins Lola et Alice, la vieille dame, très différentes et pourtant semblables. Deux femmes fortes qui ont décidé de rester debout contre vent et marée, de continuer chaque jour d'avancer et d'être le soutien de l'homme qu'elle aime. Chacune a choisi de vivre un amour désapprouvé, compliqué et aucune d'elle ne regrette ce choix, dans un monde encore emplit de conventions, où le divorce est mal vu et où l'on se marie dans son milieu. Ce sont deux femmes que la vie n'a pas épargnée, mais qui ont su rester belles et pleine d'audace.

    S'il y a une chose à retenir, c'est que l'argent ne fait pas le bonheur, alors que l'amour enrichit chaque jour de la vie de la personne qui s'y abandonne et qui se bat pour lui.

    C'est un livre que je conseille à tous les amoureux des livres : un livre sur les livres, en contenant un second et parlant d'amoureux de livres : quel choix serait plus approprié ?
D'ailleurs il semblerait que les passages qui m'ont le plus marquées dans ce livre appuient mes dires...


     - Quant tu te sentiras seule, lis un livre. Ca t'aidera à te sentir meilleure.

      Lola fait alors sienne cette phrase qu'elle a lue le matin même dans le livre de la vitrine : "Le premier baiser ne se donne pas avec la bouche mais avec le regard." Ce fut ainsi alors, il y a seize ans. Au pied des escaliers du métro, au milieu des gens avec leurs parapluies et leurs manteaux trempés, eux se sont embrassés parce que personne n'a rien pu faire pour l'éviter et parce  que aucun des deux n'a voulu résister. Ils se sont embrassés 

     L'amour véritable provoque de l'envie, de la jalousie, de l'irritation chez ceux qui ne l'ont jamais éprouvé, du ressentiment chez ceux qui l'ont perdu, des rivalités absurdes, des préjugés, des affrontements. L'amour c'est presque toujours la guigne !

     Les livres ont été mon monde, ils m'ont nourrie, m'ont fait vivre. 

     Je reste avec eux. Nous mangeons tous les trois. Sur la table de bois usé, celle sur laquelle je faisais mes devoirs quand j'étais petite, la table sur laquelle nous égrenions le maïs et embrochions les échalotes. Le lieu où tout se passe. Le centre de l'univers.

     Je suis ahurie de la facilité avec laquelle les gens s'adaptent à l'idéologie des vainqueurs.
 
     Je lis, je lis beaucoup. C'est alors que les paroles de James prennent leur véritable sens : "Quand tu seras seule, lis un livre... Ca te sauvera.". Les livres ont soudain le toucher rond et humide d'une bouée de sauvetage.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire