mercredi 18 septembre 2013

Comment je suis devenu stupide - Martin Page

Comment je suis devenu stupide, de Martin Page

125 pages
Editions J'ai lu
Parution : 2003

4ème de couverture :
 " - Tu veux dire, prononça lentement Ganja en mâchant des graines médicinales, tu veux dire que tu as été stupide d'essayer d'être si intelligent, que c'était à côté de la plaque, et que devenir un peu stupide, c'est ça qui serait intelligent... "
Antoine a beau être diplômé d'araméen, de biologie et de cinéma, il n'en est pas plus heureux. Et, selon lui, ce sont précisément son intelligence et sa lucidité qui lui gâchent l'existence. Aussi décide-t-il d'arrêter de penser. Il envisage d'abord de devenir alcoolique, mais, dès le premier verre, il sombre dans un coma éthylique. Il s'intéresse ensuite au suicide, mais la mort ne l'attire décidément pas. Reste l'acte ultime : la crétinisation. 

Loin de tout moralisme, avec humour et détachement, Martin Page pointe les contradictions contre lesquelles nous nous battons tous, pour peu que nous tentions de réfléchir.

      Voici une lecture qui n'était pas au programme du tout, mais devant la batterie a plat de mon kindle un soir où je n'étais pas chez moi, je me suis vue dans l'obligation de farfouiller dans la bibliothèque à ma disposition et j'en ai sorti ce petit livre. Et il m'a ma foi bien plu !
      Antoine est ce que l'on peut appeler un cerveau, il est doué d'une rare intelligence et se passionne pour tout. Mais son grand problème c'est qu'il est resté à la période du "pourquoi ?". Vous savez cette période de l'enfance où les enfants veulent une explication à toutes choses ... sauf qu'à 25ans il n'arrive toujours pas à canaliser son esprit. Il a soif de savoirs et de connaissances. Il se passionne pour des langues et des sujets qui n'intéressent que lui, ce qui le mènent dans des études "pour être chômeur" d'après le gentil monsieur du Pôle-Emploi. Las de cet esprit jamais au repos, Antoine n'est pas heureux dans la vie, mais il doit le concéder : il n'est pas malheureux non plus. Simplement il a cette impression de ne pas vivre, de ne jamais profiter de la vie et des choses autour de lui, il a cette impression que la partition du monde et de la société se joue sans lui, et qu'il est condamné à rester dans la marge à la regarder.
      Il décide alors de trouver des remèdes à son état : il veut se fondre dans la masse. Pour cela il tente d'abord de devenir alcoolique, vu de l'extérieur, leur vie doit être "sympathique" ... mais cela s'avérera un fiasco total ... On lui proposera alors de suivre un cours sur le suicide, mais si Antoine ne se trouve pas doué pour la vie, il n'a pas envie de mourir pour autant ... Après quelques analyses de la société, la meilleure solution qui lui vient à l'esprit est de devenir stupide. C'est une expérience qu'il tente, mais avec une intention de retour : il fera jurer à ses amis de le ramener à sa vie d'avant au bout de six mois, si ces derniers estiment qu'il sombre trop.
      Martin Page analyse ici notre société, et si le souhait d'Antoine est de devenir "stupide" le terme plus exact serait de devenir neutre. Il veut se fondre dans la société, ne plus être différent. Il veut reposer son esprit en le laissant être envahi par le monde et non plus de ses recherches pour comprendre le monde.
     Nous ne sommes guère étonné de voir que l'une des premières choses qu'il fera rentrer chez lui, après avoir évacué ses livres et toutes sources de savoirs, sera une télévision. Antoine découvre ce que l'on appelle communément la "culture" ce vaste bazar que nous font ingurgiter les médias et les radios, contrôlés par quelques puissants faisant main-basse sur nos esprits. Et cette "culture" demande toute la ressource de notre cerveau pour être intégrée et retenue, ne laissant plus de place à une réelle analyse personnelle.
     J'ai beaucoup aimé les analyses que fait Martin Page de certains sujets sensibles comme l'alcoolisme, le suicide, ... il sait manier les mots pour nous transmettre les choses avec une pointe d'humour, voir de dérision et une certaine distance.
      J'ai découvert un auteur que je ne connaissais pas, mais que je suis curieuse de découvrir à travers d'autres textes. M'est avis que vous ré-entendrez bientôt parler de lui ici !

      "Il constatait qu'en essayant de tout comprendre, il avait appris à ne pas vivre, à ne pas aimer, et qu'on pouvait interpréter son extrémiste probité intellectuelle comme une peur de s'engager dans la vie et d'y occuper une place définie."

      " Antoine ne voulais pas vivre, c'était certain, mais il ne voulait pas mourir non plus."

     "Je n'ai plus la force d'être moi, plus le courage, plus l'envie d'avoir une personnalité. Une personnalité c'est un luxe qui coûte trop cher."

     "J'ai la malédiction de la raison ; je suis pauvre, célibataire, déprimé. Cela fait des mois que je réfléchis sur ma maladie de trop réfléchir, et j'ai établi avec certitude la corrélation entre mon malheur et l'incontinence de ma raison."

2 commentaires:

  1. Hé bien je dois reconnaitre que ça m'a donné envie de le lire :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te le conseille à 200% et bonus : il se lit vite :)
      Bonne lecture !

      Supprimer