La décroisade, de Pierre Gévart
285 pages
Editions Lokomodo
Parution : février 2014
4ème de couverture :
Sagaï, le faiseur de pluie, retrouve la Terre après six siècles de
voyage. Mais c’est à présent un monde désertique, où les pluies sont
quasi inexistantes. Le cardinal Alvin Aaleigh revient d’un autre voyage
d’évangélisation des mondes lointains, de six cents ans également, et
débarque en compagnie d’un prêtre extraterrestre sur une Terre désormais
acquise à l'islam, où le Pape est devenu "Al Abbas". Tous les deux ont
bien des choses en commun, mais aussi bien des points de divergence.
Aussi est-ce à la fois en alliés et en adversaires qu’ils tenteront de
lancer une croisade. Cependant, la partie qui s’engage a plus de deux
joueurs... et le véritable enjeu n'est peut-être pas uniquement
religieux.
Imaginez un instant que Mars soit devenue une planète habitable et cultivée. Une planète verte et agréable.
Puis imaginez que la Terre soit devenue un immense désert, aride et triste.
Comment serait-ce possible ?
Il
se pourrait qu’un Faiseur de pluie soit passé sur la première et que sa
danse la rende fertile. Mais la seconde ? Il est possible qu’un groupe
de martiens mal intentionnés ait décidé de l’assécher… mais pourquoi ?
Sur
Terre, l’Eglise s’est affaiblie au profit de l’Islam, et le Vatican
n’est plus qu’un souvenir. Un Pape demeure en place, mais plus pour la
forme qu’autre chose. Il est, dans ce monde, mal vu d’être chrétien. Le
Calife veille à ce que l’Islam et ses commandements soient respectés.
C’est dans ce monde qu’atterrissent le Cardinal Alvin Aaleigh et mère Velvet.
Et
quelle n’est pas leur surprise de revenir d’une mission de près de 600
ans terrestres et de retrouver leur planète en pareille situation. Tous
les deux ont embarqué sur le vaisseau le Saint Ampoule, pour partir à la
recherche d’autres mondes croyants avec lesquels bâtir une Eglise plus
forte.
C’est ainsi qu’ils rapporte dans leurs bagages, un Scranxien, un extraterrestre possédant de forts pouvoirs psychiques.
Et
c’est sur cette Terre bouleversée, que va reprendre connaissance un
jeune homme du nom de Sagaï. Lui aussi a connu la Terre que nous
connaissons aujourd’hui. Il ne se souvient de rien de sont passé. Les
martiens lui ont posé une barrière psychique en attendant que vienne
l’heure propice au déroulement de leur plan : « Déluge. ».
Mais qui
est Sagaï ? Comment cet homme, qui ne se souvient pas croyant, peut-il
être reconnu par tous comme le nouveau Messie ? Etonné, il décide de
jouer le jeu : jusqu’où cela le mènera-t-il ? Peut-il faire confiance à
ceux qui l’entourent ?
Ces hommes et femme du passé devront
essayer de comprendre comment leur monde en est arrivé à cet extrême,
quelles sont les puissances en jeu. Ils leur faudra être attentifs et
rusés pour tirer leur épingle du jeu.
A travers ce texte, il nous est facile de noter certaines similitudes avec le monde géopolitique et religieux actuel.
Mars
se place en super-puissance, qui de loin, décide de ce que doit être le
sort de la Terre : « asséchons-la », et quelques années plus tard,
« peut-être avons-nous fait une erreur, rendons-lui son eau », mais les
martiens ont-ils seulement pris conscience de leurs actes, évaluez les
conséquences pour les terriens. Il est si facile de décider pour les
autres, lorsque l’on n’est soi-même pas concerné. Il est si agréable de
se sentir tout puissant ; mais cela a un prix à payer, et il faut
toujours surveiller ses arrières.
Le conflit religieux en est-il
vraiment un ? Est-il vraiment question de théologie, ou ne serait-ce pas
plutôt des hommes avides de pouvoir qui la brandissent devant eux,
telle une justification de leurs actes ? Guerre et religion sont
pourtant opposées, et paradoxalement elles se trouvent sans cesse
enchevêtrées, dans notre passé comme dans notre présent, et sûrement
comme dans notre avenir.
Dans ce texte ressort aussi une part noire
de la nature humaine : moi d’abord, mon intérêt d’abord. Tu ne m’es
utile que tant que j’ai besoin de toi, ensuite je te laisse dans
l’ombre, au mieux, ou je te trahis, au pire. Les hommes sont égoïstes et
égocentriques, et 600 ans plus tard, ils n’ont toujours pas compris les
messages d’amour et de partage que propagent les différentes religions.
Dans
ce texte, on y retrouve au final presque toutes les religions :
l’islam, le judaïsme et la chrétienté sur Terre, mais aussi le
protestantisme sur Mars et un mouvement shamanique qui erre dans
l’espace et que les autres vont tenter d’exploiter. Serait-ce un
message ? Faudrait-il revenir à des croyances plus simples, basées sur
les éléments, et apprécier ce que la planète nous offre, plutôt que de
se faire la guerre au nom d’un Dieu unique ?
J’ai été un peu déçue des raccourcis un peu stéréotypés que fait l’auteur.
Le
désert a grignoté la Terre, se qui a favorisé l’expansion de l’Islam,
pourquoi ? Parce que ce sont initialement des peuples du désert ? Le
Pape catholique n’a qu’une idée en tête : rendre sa splendeur à Rome et
au Vatican, à croire que seul le prestige le satisfait. Le juif est
fourbe et rusé, il arrive au bon moment, arrange les choses à sa sauce,
pour finalement filer pour sauver sa peau. Les protestants ne peuvent
s’empêcher de se croire supérieurs, et de vouloir s’imposer et
contrôler.
J’ai presque envie de dire : pitié !
Comment aller
vers une paix religieuse si ce genre de stéréotypes restent autant
ancrés dans les esprits ?! Heureusement, l’auteur pointe aussi du doigt
quelques points communs, mais de façon trop légère je trouve.
Par
contre j’ai apprécié que le Scranxien écoute ce que le Cardinal Alvin,
l’Emir et le juif avait à dire avant de se rallier à une religion. Et on
constate que ce ne sont pas ceux qui ont le plus essayé de l’attirer
vers eux qui y sont parvenus. C’est une leçon à retenir : en faire trop,
est plus souvent synonyme d’échec que de réussite. A trop vouloir
convaincre, on oublie d’écouter et de répondre aux questions, or
quelqu’un qui se cherche a avant tout besoin de réponses.
L’idée
de départ n’est pas mauvaise, joindre science-fiction, catastrophe
climatique, guerre de religion et quête de pouvoir, mais il y a presque
trop de données mélangées, ce qui rend les éléments durs à exploiter
complètement. Il y a un grand nombre de raccourcis qui sont fait tout au
long du roman que j’ai trouvé assez gênant. Les raisons de
l’assèchement de la Terre ne sont que brièvement exposées, c’est comme
ça et puis voilà. Comment et pourquoi l’Islam est devenue la religion
dominante sur le globe ? Et quel rapport avec la sécheresse ? Comment se
fait-il qu’un Pape soit toujours toléré, alors que les chrétiens se
cachent ? Pourquoi le Cardinal est parti en mission et comment se
fait-il que le Pape ne l’attende pas plus que ça ?
Et que dire de la
fin ? Elle m’a presque désolée, surtout les dernières lignes. Qu’est-ce
que cette histoire de jalousie féminine vient faire là ? J’avoue ne pas
avoir compris. Alors que j’aurais aimé savoir ce qu’il était advenu de
Mars, quelles sont les conséquences du déluge ? Que vont faire nos amis
fuyards avec leur arche de Noé de l’espace ? Comment l’Islam et la
Chrétienté ont finalement pu s’entendre sur Terre ?
Pour moi ce sont
trop de questions demeurées sans réponses, et j’ai presque envie de
dire : tant de pages lues pour en arriver là, à n’en savoir que si peu ?
Toutefois le roman se lit bien, une fois plongé dans le texte,
on se laisse prendre, et on voyage dans ce monde du futur. L’écriture
est fluide, mais parsemée de mots très techniques, le vocabulaire
religieux est très exploité, donc si vous n’êtes pas familiers avec les
termes théologiques, un dictionnaire à portée de mains, pourra s’avérer
un allié de poids.
Je regrette peut-être les descriptions souvent
sommaires dans les moments clefs et plus détaillées lors des relâches de
l’histoire, comme pour meubler un vide d’écriture.
Malgré une
petite frustration à la fin, c’est une lecture que j’ai appréciée, et
qui je pense me restera en tête quelques jours grâce à toutes les
questions religieuses et géopolitiques que l’auteur soulève à demi-mots.
Si vous êtes allergiques aux prêtres, imams, rabbin, et à
toute citation de texte sacré, passez votre chemin, ce texte n’est pas
pour vous.
« Pourtant nous n’avons rien changé à nos plans.
Spiritu Sancte a été programmé au départ, il y a exactement cinq cents
quatre-vingt-seize ans, deux mois, et trois jours. Je vous passe les
heures et les secondes. »
« Mes frères, je suis venu vous
annoncer des temps de souffrance et de mort, et puis des temps de gloire
et de résurrection. Prenez votre croix, croisez-vous, mes frères, et
délivrez l’Eglise. »
« Janos ne put réprimer un sourire : il
allait avoir bientôt réalisé la première partie de sa mission sans avoir
eu à se donner d’autre peine que celle de ne pas saisir les chances de
s’enfuir qui se présentaient à lui. Pour un peu, il aurait éclaté de
rire. »
« La vraie Croisade, c’est d’abord dans nos cœurs qu’il
faut la mener. Les seules armes qu’il nous faut pour cela, ce sont la
prière, et l’amour. Que toutes nos troupes déposent les armes. »
« Il
n’ignorait pas qu’avait existé un jour une guilde des maîtres de la
pluie et des condensateurs Megarex, mais il partageait la conviction,
qui était celle de tous les hommes de Mars et sans doute de la Terre,
selon laquelle les maîtres étaient en fait des techniciens en blouses
blanches. On n’avait inventé cette histoire de danse de la pluie qu’en
s’inspirant de vieilles coutumes des pré-civilisés terriens, pour
enjoliver le récit des évènements. Et pourtant, il se rendait maintenant
compte que tout cela était vrai : [il] dansait ! »
Merci aux édition Lokomodo et au forum Have a Break, Have a Book pour la découverte de ce livre.
c'est effectivement pas mon style de lecture mais ta chronique est hyper complète. Bravo.
RépondreSupprimerJ'en profite pour te tagé, bon courage et à bientot
http://mavie-mespasions.blogspot.fr/2014/03/divers-liebster-award.html
Merci. Et merci pour le tag, mon premier ! :)
SupprimerJ'aime beaucoup ton avis sur ce roman. Je l'ai terminé hier j'ai beaucoup aimé. Par contre, pour la question des stéréotypes, je pense que c'est totalement voulu. Je trouve qu'ils appuis bien le fait que, les religions seront toujours en désaccord, chacune avec une certaine vision des autres. Et peut être que, tout simplement l'auteur déteste les religions x) On peut pas vraiment savoir, mais je pense pas que, quand tu t'attaques à un sujet pareil, avec sa manière de faire dans la critique de l'aspect pouvoir, tu puisses mettre des stéréotypes juste parce que tu n'as pas d'idée. Et pour ce qui est des femmes et la jalousie, c'est normal. Pourquoi elle ne le serait pas? On voit bien dans ce roman que les femmes n'ont pas trop de place dans ce monde religieux. Elles vivent à travers les hommes. Pour moi ce procédé met en avant cela.
RépondreSupprimerEnfin bref, un livre vachement intéressant en tout cas, super chronique :D